mercredi 16 novembre 2011

L'ordre et la morale


Ne vous fiez pas au titre où à l'affiche qui voit Mathieu Kassovitz, tête baissée, tenir dans ses mains le drapeau français. Cet emballage pompeux pourrait être reproché au cinéaste qui s'est maintes fois fourvoyé dans le passé. Mais en racontant un sujet polémique en gommant le manichéisme facile, Kassovitz convainc. Il était temps. 

Avril 1988, île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie. Trente gendarmes sont retenus en otage par un groupe d'indépendantistes kanak. Philippe Legorjus, capitaine du GIGN, est chargé de dialoguer avec Alphone Dianou, le chef des preneurs d'otages. Mais en pleine période présidentielle, les enjeux politiques dépassent de loin la réalité du terrain. 

Mathieu Kassovitz

Contrairement à ce que l'on pouvait légitiment craindre, Mathieu Kassovitz ne se pose pas en donneur de leçons. Son scénario, bien charpenté, laisse la parole aux deux parties en présence avec au milieu d'eux Philippe Legorjus qui va tenter de trouver une solution pacifique. Etablissant une relation de confiance avec Alphonse Dianou, il va peu à peu se heurter au ministre de la Défense de l'époque, Bernard Pons, et aux principaux généraux de l'armée. Le cinéaste filme sobrement les réunions avec le ministre et son état-major où la morale doit s'effacer devant la raison d'état. 


Film de guerre, L'ordre et la morale ne se complait pas dans un déferlement d'action. Si la direction d'acteurs alourdit des dialogues caricaturaux et que les empreints à Apocalypse Now sont un peu trop voyants (ah, le ventilateur dans la chambre du héros !) Kassovitz fait preuve, à deux reprises, d'une virtuosité qui sert son récit. Lors du flash-back sur l'attaque des kanaks dans la gendarmerie d'Oueva filmé dans un élégant plan séquence et l'assaut final que le cinéaste a eu l'intelligence de tourner de manière subjective et donc suggestive, en collant sa caméra à Legorgus et ses hommes lors de leur avancée dans la jungle. Une juste façon de ne pas raconter la vérité mais bien le point de vue de l'un des protagonistes essentiels de l'histoire. 

En se donnant le rôle du capitaine du GIGN, l'acteur Kassovitz dévoile son humanité mais aussi sa faiblesse. Considéré aujourd'hui comme un traître par de nombreux kanaks, le militaire voit le combat politique qui se joue à Paris lui échapper, ne se montrant pas capable de trouver une issue positive au conflit. Kassovitz en profite pour faire intervenir le fameux débat télévisé entre Chirac et Mitterrand qui est bien le révélateur du climat politique de l'époque et du rôle néfaste qu'à pu jouer la cohabitation dans cette affaire. Trouvant un souffle et une ampleur encore inédits dans son inégale filmographie (à l'exception de La Haine), Mathieu Kassovitz réalise un film intense et prenant auquel le son régulier des Tambours du Bronx vient chahuter les zones d'ombre de notre mémoire nationale. 

Antoine Jullien

DVD et Blu-Ray disponibles chez UGC Vidéo.



A l'occasion de la sortie de L'ordre et la morale, Mathieu Kassovitz s'est autorisé à diffuser le making-of jusqu'à présent inédit de Babylon A.D, son précédent long métrage. Intitulé Fucking Kassovitz, le document est un témoignage pris sur le vif d'un tournage qui s'est révélé être un véritable cauchemar. 

Budget en-dessous des exigences du cinéaste, caprices à répétition de Vin Diesel qui refuse de tourner les scènes de combat, organisation chaotique, manque de préparation, la caméra de François-Régis Jeanne a suivi pendant vingt-deux semaines les coulisses de cette superproduction qui s'est terminée dans un grand n'importe quoi, où Kassovitz faillit être renvoyé par l'équipe américaine de la star. Si le cinéaste essaye de se faire passer pour la grande victime, ses nombreux coups de gueule et son attitude vis-à-vis de son équipe montrent un réalisateur totalement dépassé par son entreprise. Après Lost In La Mancha, voici un making-of rare d'un film qui, lui, a pu voir le jour. Désespérant mais très instructif. 


FUCKING KASSOVITZ par MathieuKassovitz

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Malgré que ce film soit très bien réalisé, ce film ne retrace en aucun cas la vérité, il s'agit d'un film pro kanak (contrairement à ce que prétend Kassovitz), il comporte de nombreux mensonges. Kassovitz est un manipulateur et salit l'honneur des gendarmes tombés à Fayaoué et pdt l'assaut. Ceci n'est pas acceptable.

    Concernant Legorjus, il a perdu toute crédibilité auprès de ses hommes et de l'armée suite à cette affaire. C'est un homme qui dit tout et son contraire. Son témoignage n'est en aucune manière fiable.

    Je t'invite à aller voir ces quelques liens.

    Voici le témoignage de Jean Bianconi : http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/20/jean-bianconi-veut-en-finir-avec/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=jean-bianconi-veut-en-finir-avec

    et celui de deux anciens du GIGN : http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/19/lordre-la-morale-des-anciens-du/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=lordre-la-morale-des-anciens-du

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