mercredi 15 décembre 2010

De vrais mensonges

Un beau matin, Emilie reçoit une vibrante lettre d'amour anonyme. Peu réceptive, elle jette le papier à la poubelle sous la stupéfaction de Jean, son employé, l'auteur secret de cette déclaration enflammée. Triste de voir sa mère dépressive depuis le départ de son mari, elle décide de lui envoyer la dite lettre, espérant ainsi la sauver de son chagrin. Elle n'imagine pas que son geste va être le début d'une série de quiproquos ininterrompus. 

Pierre Salvadori s'est toujours fixé le but cher à son maître Lubitsch : révéler la vérité des personnages au travers de leur mensonges. Il ne faut pas voir ce film comme un plagiat ou même un hommage au cinéaste de To Be Or Not To Be. S'il maîtrise parfaitement la mécanique de la comédie, Salvadori a, dans l'écriture du moins, son propre style. Aidé de son scénariste Benoît Graffin, il a élaboré une savante architecture de malentendus se répondant les uns aux aux avec un sens inné du rythme. Basée sur un délicieux trio, l'histoire fait la part belle aux personnages qui ont chacun une réelle épaisseur. Audrey Tautou, en voulant faire le bien, se rend coupable de lâcheté, même de cruauté à certains moments. Nathalie Baye, femme délaissée, retrouve une nouvelle jeunesse dans un amour illusoire et mensonger et finira par se dévoiler sous un jour innatendu. Quant à Sami Bouajila, le jeune homme poli et cultivé qu'il est au début laissera la place à un personnage manipulateur à son tour. 


De vrais mensonges possède une qualité rare dans la comédie française : le charme. Fuyant tout vérisme, Salvadori s'attache à rendre vraisemblable les situations les plus incongrues et l'on suit, amusé, ce réjouissant théâtre de boulevard où les bons mots, sans être une banale signature, ont toute leur place, où les décors un brin désuets permettent aux personnages d'évoluer. 

Si sa mise en scène n'est pas toujours à la hauteur de son intrigue, le réalisateur nous offre de jolis moments visuels, comme lorsque Nathalie Baye apprend la vérité en voyant le couple Tautou-Bouajila en ombre chinoise. Et à regarder de plus près, le film se montre joyeusement transgressif, n'éludant pas la perversité ni la méchanceté. Ce savoureux divertissement nous fait croire qu'il y a des auteurs qui ont encore une haute considération de la construction scénaristique, travaillant d'arrache-pied pour que l'ensemble soit harmonieux et élégant. Une telle exigence est à saluer !

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. Voilà un commentaire qui donne envie d'aller voir ce film !
    Il est vrai que même la bande annonce a été bien faite, et on sent "l'épaisseur" des personnages (comme le dit si bien l'auteur).
    On sent qu'il y a du rire, mais que derrière tout cela, se cache un rouage sérieux, et que les coups, mêmes s'ils font rire, peuvent tout autant blesser qu'ouvrir la porte à une introspection de soi. Ou tout simplement se dire la vérité sur ses vulnérabilités ou, mieux, sur ses forces cachées et insoupçonnées jusque là.
    J'irai le voir, et merci à l'auteur !
    --
    Steady as she goes!

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