Un homme et une femme dans un lit. Dès les premiers plans, on devine un couple interdit. Lui est marié, a une petite fille de huit ans. Elle est dentiste à Bucarest, célibataire. Une relation adultère comme on en a vu mille fois au cinéma. Mais il est signé par un jeune cinéaste roumain dont c'est le deuxième long métrage. Et depuis quelques années, on sait cette cinématographie prompte à bousculer les codes établis.
Pourtant, l'impression de banalité ne quitte jamais le film de Radu Muntean. Des séquences épurées, un rythme lent, des décors froids, on ne sent pas le cinéaste dérégler la norme du drame psychologique classique. Mais si Bergman demeure loin, le réalisateur arrive à instaurer un curieux suspense reposant sur une question toute simple : va-t-il quitter sa femme ? La réponse se trouve dans une saisissante séquence de rupture où la durée presque excessive des plans lui donne une impressionnante tension. Le cinéaste ne dramatise rien et la quotidienneté du sujet se retourne alors à son avantage.
Mais comme dans Policier, Adjectif sorti quelques mois plus tôt, on ne perçoit plus le sel qui faisait la spécificité du cinéma roumain. La singularité, l'humour à froid, le décalage que l'on retrouvaient dans des oeuvres admirables tels La mort de Dante Lazarescu ou 12h08 à l'est de Bucarest semblent avoir disparus. Si les cinéastes imprègnent toujours la rétine, ils rentrent désormais dans un moule plus convenu. Les festivals ne sont sans doute pas étrangers à cette évolution, sélectionnant systématiquement ces longs métrages dans les grandes compétitions alors qu'ils ne sont pas tous à la hauteur de leur prétention artistique. Un mouvement que l'on espère voir rebondir.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
Le commentaire donne l'impression qu'il se dégage une certaine banalité habituelle de ce film. On aurait dit que le film mérite -vulgairement dit- un "mouaip".
RépondreSupprimerMais ceci a, en partie, une bonne explication.
L'Europe de l'Est a des talents, parfois d'une exquise créativité et d'une aptitude inouïe à nous transporter et nous inculquer une empathie électrisante avec les personnages.
Kustrica ou Mikhalkov sont de brillants exemples. (Ce dernier a certes commencé sa carrière sous l'ère soviétique).
Mais ce qui se passe en général à l'Est, c'est que l'on dénigre systématiquement ce qui vient du passé. Le communisme a laissé des blessures béantes, et les élites d'aujourd'hui abhorrent ce passé, même sous son volet culturel. Et justement, la créativité cinématographique en Orient Européen est née à cette époque. On s'efforce donc d'éviter cet façon de faire de l'art, alors que ce n'est pas toujours une bonne façon de faire. Mise à part en Russie et dans quelques autres pays où on assume plus ou moins bien l'héritage culturel soviétique et communiste, tout art découlant ou s'inspirant de cette période est boudé, boycotté (et non banni, il n'y a plus de totalitarisme).
Ce qui est fort dommage.
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