Avoir 21 ans et signer déjà son deuxième long métrage. Le prodige québécois Xavier Dolan n'en finit plus d'intriguer et d'agacer. Son talent est d'une insolente jeunesse et son inventivité n'est en rien un effet de mode. Ce jeune garçon, après J'ai tué ma mère, confirme une patte très personnelle dans un univers cinématographique truffé de références à Wong Kar-Wai, Almodovar, Gus Van Sant et la Nouvelle Vague.
L'acteur-réalisateur-scénariste-producteur-créateur de costumes a souhaité revisiter l'éternel triangle amoureux : deux personnes amoureuses du même homme. Sauf qu'il s'agit ici d'un homme et d'une femme. Dès les premières minutes, les corps des protagonistes au ralenti déambulent élégamment dans les rues de Montréal sur la chanson Bang Bang de Dalida. La mise en scène très maniériste de Dolan va se répéter tout au long du film mais sa signification va, elle, varier du tout au tout.
Pendant une bonne moitié du métrage, on est bluffé par la maîtrise formelle du garçon mais aussi vaguement irrité par ses poses d'auteur qui ne semblent être, à cet instant, qu'un écran de fumée. Mais ce qu'il dit de la croyance sincère et véritable du sentiment amoureux va contredire cette impression première et nous amener à suivre les atermoiements du coeur de ses personnages avec un intérêt grandissant. Car Xavier Dolan ne fait jamais preuve de cynisme, il raconte dans toute sa complexité la rivalité du jeune homme et de la femme, ivres de désir pour leur ami à la gueule d'ange qui recèle pourtant une part d'ambiguité : est-il un bon camarade ou un amant manipulateur ?
Xavier Dolan
Pour aérer cette délicate partition, Dolan filme des jeunes gens, face caméra, narrant leurs échecs amoureux. Désarmants de sincérité et portés par une langue québécoise haut en couleurs, ils nous disent la douleur de ne pas être aimé. A cet amer constat renvoie la très belle scène de confession du jeune homme à son ami qui lui répond par cette phrase lapidaire : "Mais comment as-tu pu penser que j'étais homosexuel ?"
Grâce à la présence de comédiens remarquables, à commencer par la saisissante Monia Chokri, Xavier Dolan nous transporte dans cette atmosphère faussement douce en redéfinissant un genre que le cinéma français est aujourd'hui bien incapable de transcender. Malgré quelques scories et effets dispensables pointant par endroit un trop grand narcissisme, il confirme qu'il faudra d'ores et n'avant compter avec lui.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
Je viens de découvrir ce blog, et bien sur je m'empresse de lire les critiques de tous les films qui m'ont marqué.
RépondreSupprimerCorrespondant dans la plupart des cas à mon avis, je pense que je continuerais mes visites ;)
Je suis tout particulièrement d'accord avec la critique des Amours imaginaires que j'ai trouvé envoûtant.
Bonne continuation !