VOUS ALLEZ RENCONTRER UN BEL ET SOMBRE INCONNU / ELLE S'APPELAIT SARAH
Deux réalisateurs aux réputations diamétralement opposées nous reviennent cette semaine. Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu est le quarantième long métrage de Woody Allen. Le prolixe réalisateur pose à nouveau sa caméra à Londres pour conter les destinées de plusieurs personnages à la recherche du sens de la vie. Un homme qui ne supporte plus de vieillir va convoler aux bras d'une bimbo décervelée laissant sa pauvre femme désespérée accroc à l'hypnose, une jeune femme au mariage contrarié tombe sous le charme de son patron, le mari de la femme en question, un écrivain raté, noie sa frustration en séduisant sa voisine. Une galerie de personnages que Woody Allen peint avec détachement et ironie, sans se bercer d'illusions sur la condition humaine. "Nous sommes des médiocres", semble dire le cinéaste, et nos vies insignifiantes ne méritent même pas de fin.
Un Woody mineur ? Cette expression galvaudée ne veut plus dire grand chose car elle ressort chaque année. Mais il est certain que le cinéaste s'est montré plus en forme que dans ce film routinier, plutôt amusant mais très paresseux. Le talent du cinéaste reste évidemment intact et le début du film suffit à nous en convaincre, passant d'un personnage à l'autre avec une facilité déconcertante en utilisant discrètement le plan séquence pour laisser vivre ses acteurs, une fois de plus excellents.
Certaines intrigues sont plus réussies que d'autres mais aucune ne paraît vraiment aboutie. La critique du spiritisme n'intéresse pas le cinéaste qui s'en sert uniquement à des fins comiques un peu usées. La chaude photographie sépia dans laquelle il enrobe ses personnages est trompeuse car sous le vernis mondain se dévoile nos propres inconséquences. Mais le fait qu'il laisse leurs histoires en jachère montre aussi la limite de l'exercice, le cinéaste s'en désintéressant soudain comme si tout cela n'avait aucune importance. Peut-être est-ce la morale du film.
A l'inverse de Woody Allen, Gilles Paquet-Brenner n'a pas exactement la carte. Piètre réalisateur jusqu'ici (Gomez et Tavares a laissé des traces indélébiles !), il revient de manière inattendue avec l'adaptation du best-seller de Tatiana de Rosnay, Elle s'appelait Sarah. Lors d'une enquête sur la rafle du Vel d'Hiv, Julia Jarmond, une journaliste américaine, découvre que l'appartement où elle s'apprête à vivre avec son mari avait appartenu pendant la guerre à une famille juive. Seule la petite Sarah avait pu échapper à la déportation. La journaliste va tout faire pour retrouver sa trace et lier son destin à celui de la jeune fille.
A l'inverse de La Rafle, gros succès lacrymal de l'année, Gilles Paquet-Brenner a eu la bonne idée de traiter son histoire avec sobriété et retenue. Enchevêtrant deux époques, il parvient à tisser une intrigue prenante où la découverte du passé va mener la journaliste à faire des choix qui ne seront pas sans conséquence. La rafle du Vel d'Hiv est évoquée justement, sans surdramatisation, le réalisateur parvenant, en un long travelling aérien sur les déportés, à donner la pleine mesure de l'horreur de l'évènement.
Par sa sensibilité et son intelligence de jeu, Kristin Scott Thomas est la belle âme de ce film populaire au sens noble du terme. La jeune Mélusine Mayance apporte une innocence touchante et son évasion demeura comme l'un des plus beaux moments du film. Le réalisateur saura garder le mystère de Sarah, énigmatique image perdue au milieu de l'océan. Une vraie surprise de la part d'un réalisateur dont on ne misait plus rien. Toute rédemption est possible.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
Ne supportant qu'on me dise la vérité en face, je n'irai pas voir Woody. Ca ne change pas grand chose, vu que je le regarde rarement.
RépondreSupprimerC'est ce qui arrive quand on est touché par ses histoires.
Merci pour la critique !
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Steady as she goes!