mercredi 8 décembre 2010

Le nom des gens

"Vous savez, trouver un jospiniste aujourd'hui, c'est aussi rare qu'un canard mandarin à l'ile de Ré !" Cette cinglante réplique dans la bouche de l'ancien premier ministre socialiste, pour la première fois ironique sur lui-même, est l'une des nombreuses incongruités du Nom des Gens

D'un côté, nous avons Bahia Benmahmoud, une jeune femme débordante d'énergie, vivante, excessive, prête à tout pour convertir les gens de droite à sa cause, à commencer par coucher avec eux, persuadée qu'au moment de l'orgasme, ils pourront plus facilement se laisser convaincre. Mais comme elle le dit elle-même, la difficulté est plus grande en fonction du candidat : " Pour un mec du FN, il me faut bien au moins dix jours alors que pour un fan de Bayrou, en une après-midi c'est plié". 

De l'autre, Arthur Martin (comme les cuisines !), un homme terne et discret, jospiniste et adepte du principe de précaution. Il va tomber fou amoureux de cette tornade qu'il n'aurait jamais du rencontrer.

Sara Forestier et Jacques Gamblin

Pour son deuxième long métrage, Michel Leclerc a osé mêler la politique à la légèreté en évoquant une multitude de thèmes plus proches des drames sociaux contemporains que de la gaudriole. N'appartenant pas à ces deux registres, le film creuse son sillon, personnel et décalé. Dès les premières minutes, le réalisateur se permet une audacieuse rupture de récit, filmant ses personnages adultes intervenant dans leur passé, les faisant même se confronter à eux plus jeunes. Une fantaisie payante qui n'écrase jamais les situations mais les aèrent d'une drôlerie bienvenue. 

La recherche de notre identité, les origines cachées, la culpabilité, la transmission, Le nom des Gens en parle avec lucidité et sensibilité. La judéité refoulée de la famille d'Arthur donne au long métrage ses moments les plus justes grâce au beau couple de parents formé par Michelle Moretti et Jacques Boudet.


Mais l'on rit aussi, et souvent, lors d'un irrésistible dîner dans lequel les mots "four" et "camp" prennent une tournure surprenante où lorsque Bahia se sent responsable, en plein accouchement, de l'élection de  notre président actuel. Et puis, ça et là, des instants de vraie liberté envahissent la vie des personnages qui décident de faire l'amour en se rhabillant où de se promener nu dans une station de métro, sans l'ombre d'une gêne.

Même s'il frôle le politiquement correct et n'évite pas la bonne conscience finale en simplifiant des problèmes complexes, le Nom des Gens rafraîchit la tête et les jambes, et le spectateur est heureux que les clichés du départ aient su accoucher d'une histoire tendre et originale portée par deux comédiens inspirés, Jacques Gamblin et Sara Forestier.

Antoine Jullien

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