mardi 25 octobre 2016

Bleeder, le film inédit de Nicolas Winding Refn

 
Si vous trouvez que Nicolas Winding Refn s'est progressivement perdu dans un formalisme stérile (voir la critique de The Neon Demon), alors ayez la curiosité de découvrir son deuxième long métrage, Bleeder, sorti en 1999 et inédit en salles. Après le succès de Pusher, le cinéaste a fait appel aux même acteurs (dont un certain Mads Mikkelsen) pour une peinture réaliste de la jeunesse désabusée de Copenhague. NWR garde une tendresse particulière pour une œuvre qui affirmait déjà son style percutant. "A bien des égards, Bleeder a dépassé toutes mes attentes : j'ai réalisé au moment de tourner que je m'aventurais dans un registre inédit voire expérimental, hors des conventions établies et de mon propre canevas. Cette démarche a réclamé beaucoup d'efforts, de dépassement de soi, d'apprentissage". 

Léo et Louise vivent en couple dans un appartement insalubre. Découvrant que Louise est enceinte, Léo perd peu à peu le sens de la réalité et, effrayé par la responsabilité de sa nouvelle vie, sombre dans la violence. Au même moment, son ami Lenny, cinéphile introverti travaillant dans un vidéo-club, tombe amoureux d'une jeune vendeuse.

Mads Mikkelsen

Film très autobiographique, Bleeder évoque, à travers le personnage de Lenny, le jeune Nicolas Winding Refn lorsqu'il était étudiant à l'American Academy of Dramatic Arts de New York ou il passait son temps à regarder des films, seul et isolé dans un studio de West Village. Une cinéphilie compulsive qui sert de refuge à Lenny, une manière de s'extraire du réel face au monde extérieur. Nicolas Winding Refn fusionne brillamment les images violentes des films que Lenny ingurgite frénétiquement au comportement de plus en plus agressif de Léo. Le réalisateur entremêle le racisme et la peur de la paternité dans une spirale forcément destructrice. 

On demeure surtout stupéfait par le brio de la mise en scène qui, de l'utilisation de la musique classique au grand angle en passant par la caméra à l'épaule et les mouvements d'appareil, invoque Stanley Kubrick de manière consciente et manifeste. Une époque aussi dans la filmographie du réalisateur où la forme primait autant que le fond. Car en se prenant d'empathie pour des personnages bien peu recommandables mais touchants dans leurs solitude, on se rend compte à quel point Nicolas Winding Refn les a depuis abandonné, désormais uniquement motivé par une épuisante recherche plastique. La sortie de Bleeder, en version restaurée 4K, nous donne donc une occasion privilégiée d'aimer à nouveau son cinéma. 

Antoine Jullien

Danemark, 1999 - 1h34
Réalisation et Scénario : Nicolas Winding Refn
Avec : Kim Bodnia (Léo), Mads Mikkelsen (Lenny), Liv Corfixen (Léa), Rikke Louise Andersson (Louise).

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