mardi 13 janvier 2015

A Most Violent Year


En trois ans, J.C. Chandor s'est fait un nom dans le cinéma indépendant américain. Margin Call, son coup d'essai et coup de maître, revenait avec brio sur le krach boursier de 2008, puis All Is Lost avec Robert Redford échoué sur son bateau à la dérive, tenait presque de l'expérimentation, de manière un peu moins convaincante. Pour son troisième long métrage, il part sur les traces du cinéma de Sidney Lumet en nous plongeant dans le New York de 1981, l'année la plus sanglante de l'histoire de la ville. 

Il raconte le destin d'un immigré, Abel, qui tente de faire sa place dans le business des hydrocarbures. Épaulé par sa femme qui gère son entreprise avec lui, il se heurte à la corruption et à la violence de ceux qui voient d'un mauvais œil son affaire prospérer. 

Oscar Isaac et Jessica Chastain

J.C. Chandor est sur des terres connues et il arrive pourtant à en tirer une œuvre personnelle. Sa mise en scène, empreinte d'un élégant classicisme, laisse le temps à ses personnages d'évoluer à la faveur d'un faux rythme que le cinéaste maîtrise parfaitement. Il dresse le portrait d'un homme qui croit fermement au rêve américain et aux itinéraires de ces self made men qui ont su bâtir leur empire grâce à leur audace et leur ingéniosité. Mais sa volonté farouche de réussir et son apparente honnêteté vont se confronter à la réalité des temps où les coups bas et les compromissions sont la règle pour accéder au pouvoir. 


Un film de gangsters sans le folklore inhérent au genre, voilà la grande réussite de A Most Violent Year. En dépeignant un époque qui n'est guerre éloignée de la nôtre, en filmant New York, baigné dans une lumière légèrement sépia, comme une grande friche où tout reste à construite, J.C. Chandor apporte un vrai supplément d'âme à son cinéma. Ses acteurs ne sont pas en reste, d'Oscar Isaac (le Llewyn Davis des frères Coen) et son charisme magnétique à la sublime Jessica Chastain et son charme presque carnassier. C'est elle, sans qu'on ne le comprenne tout de suite, qui mène ce couple vers un avenir que l'un et l'autre imaginent radieux. Les morts sur leur route n'auront été que des obstacles et les dilemmes moraux des perturbations évanouies afin qu'ils puissent vivre pleinement leur irrésistible ascension dont la métaphore est ce sang mélangé au pétrole qui évoque soudain un autre film majeur sur la montée en puissance du capitalisme, l'inoubliable There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. 

Sans atteindre un tel degré d'intensité et malgré quelques failles dans son scénario, le cinéaste apporte une nouvelle pierre à une œuvre qui ne cesse de s'enrichir. Souhaitons à J.C. Chandor de poursuivre dans cette veine néoclassique qu'il est, avec James Gray, l'un des rares à pouvoir accomplir. Messieurs Pollack et Lumet, vous pouvez reposer tranquilles, la relève est assurée. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h05
Réalisation et Scénario : J.C. Chandor
Avec : Oscar Isaac (Abel Morales), Jessica Chastain (Anna Morales), David Oyelowo (Lawrence), Albert Brooks (Andrew Walsh). 



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

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