dimanche 7 décembre 2014

La French


Des stars en pagaille, un budget conséquent, une histoire vraie sur fond de grand banditisme : le réalisateur Cédric Jimenez avait de quoi faire des jaloux pour son second long métrage après Aux yeux de tous, première œuvre intrigante mais inaboutie. Originaire de Marseille, il était tout désigné pour raconter le destin tragique du juge Pierre Michel, bien décidé à faire tomber la French Connection et son chef, le redouté Gaëtan Zampa. Mais ce magistrat intègre et farouchement déterminé sera assassiné sur sa moto alors qu'il rentrait déjeuner en famille, le 21 octobre 1981.

La French Connection regroupait un ensemble de réseaux implantés principalement à Marseille qui régnait en maître sur le trafic d'héroïne, prenant son essor dans les années 50 et qui connaîtra son apogée au début des années 70. La drogue était exportée vers les Etats-Unis et en 1970, le trafic de la French Connection était estimé entre 40 et 44 tonnes par an, soit 90% de la consommation d'héroïne américaine. C'est en 1975 que le juge d'instruction Pierre Michel fut chargé de démanteler ces réseaux, renvoyant derrière les barreaux un grand nombre de trafiquants. Jean Dujardin enfile le costume du juge et son compère Gilles Lellouche incarne Zampa dans un duel à distance qui se voudrait un Heat à la française. On en est loin. 

Jean Dujardin

Certes, on ne peut que louer l'ambition de Cédric Jimenez d'avoir su recréer avec brio le Marseille des années 70. Mais ambition ne rime pas avec audace et on reste songeur devant le peu de prise de risque encouru par le réalisateur. S'il réalise un polar des Calanques dans la pure tradition, à l'ancienne, et qu'il ne sombre jamais dans l’esbroufe gratuite, il ne se défait pas des clichés inhérents au genre (la femme du juge gémissant auprès du corps de son mari), des passages obligés et mène son récit de manière appliquée et assez monotone, enchaînant mécaniquement les plages de dialogues pas toujours inspirées aux séquences de transition sur fond de tubes rock et soul de l'époque. 

Le réalisateur Cédric Jimenez et Jean Dujardin

A l'image de Jean Dujardin, le film manque d'envergure et de souffle, prenant de grandes libertés avec l'histoire, certaines justifiables, d'autres moins comme celles de vouloir expliquer la volonté du juge d'arrêter à tout prix les truands par son ancienne addiction au poker, elle parfaitement inventée. La French n'est pas un documentaire mais cette émancipation de la réalité dessert le plus souvent le scénario qui sacrifie de nombreux personnages (quid de Benoît Magimel ?), exploitant maladroitement et un peu lourdement les similitudes entre Michel et Zampa, tous deux pères de famille attentionnés. Leur unique scène de confrontation, plate et sans relief, elle aussi fictive, ne restera d'ailleurs pas dans les mémoires. 

Il y a finalement deux façons de considérer La French : soit on oublie tout ce qu'on a pu voir auparavant et on peut profiter d'une intrigue, qui, si elle met du temps à démarrer, prend ensuite son envol, où bien l'on fait le jeu inévitable des comparaisons et là, le verdict est cruel. Il suffit alors de ne citer que quelques films majeurs sur le même thème (French Connection I et II, American Gangster) pour soudain classer le film de Cédric Jimenez dans les thrillers convenables du samedi soir. Rien de plus. 

Antoine Jullien

France - 2h15
Réalisation : Cédric Jimenez - Scénario : Audrey Diwan et Cédric Jimenez 
Avec : Jean Dujardin (Pierre Michel), Gilles Lellouche (Gaëtan Zampa), Céline Sallette (Jacqueline Michel), Mélanie Doutey.




Disponible en DVD et Blu-Ray chez Gaumont. 

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