mercredi 6 novembre 2013

Ressortie de L'Impasse


A l'heure où Guillaume Canet tente vainement de retrouver le souffle des grands films des années 70, la ressortie de L'Impasse * de Brian De Palma vient remettre les pendules à l'heure. Non que le film a été réalisé durant cette période (il date de 1993) mais son action se déroule en 1975 et il demeure l'un des longs métrages les plus évocateurs sur cette période si féconde. 

Brian de Palma filme avec maestria l'impossible rédemption d'un truand, Carlito Brigante, qui voulait se ranger des voitures après plusieurs années passées derrière les barreaux. Dès l'ouverture du film, le spectateur comprend qu'Al Pacino va mourir et assiste alors à un long flash back qui démarre au moment de la libération de prison de Carlito et s'achève lors de l'étourdissante séquence de fusillade dans la gare de Grand Central. Dix ans après le tonitruant Scarface, le tandem De Palma-Pacino se reformait pour ce qui est devenu le meilleur film du réalisateur et l'une des plus magistrales interprétations du comédien.

Sean Penn et Al Pacino

L'Impasse peut s'appréhender comme une sorte de prolongement de Scarface qui verrait Tony Montana assagi, tentant de mener une vie normale et fuir à tout prix son passé. L'Impasse est autant une bouleversante méditation sur le mirage d'une deuxième chance qu'un polar haletant, brillamment scénarisé par David Koepp. Le film s'enrichit au fur et à mesure des visionnages et sidère encore par la solidité de son intrigue, la force des personnages, à commencer par Sean Penn, mémorable en avocat cocaïné et incontrôlable, et par la majestueuse mise en scène de De Palma. Le cinéaste traversait alors une période difficile de sa vie et ce film est arrivé comme un exutoire, comme il s'en expliquait à l'époque : " Pour faire ce film qui traduisait ce que je ressentais, il fallait me mettre à nu. C'est un film que je n'aurais pas pu faire à trente ans, ni même à quarante. Il parle d'amour, de trahison, de fatalité, mais avec distance. Du coup, les personnages y ont gagné en profondeur. C'est moins un thriller qu'une étude de caractère, et je pense que c'est ce qui a ému les gens". **

Tièdement accueilli à sa sortie, L'Impasse est devenu un classique et l'oeuvre la plus importante de Brian De Palma. Car n'en déplaise aux fans inconditionnels du cinéaste qui vénèrent encore ses pathétiques plagiats hitchcockiens pseudo post-modernes (voir le consternant Passion sorti en début d'année), De Palma n'a jamais été aussi fort que dans le déploiement de sa maîtrise de cinéaste au service d'une intrigue qui n'est ni une copie ni un décalquage fumeux du Maître. Autant De Palma s'est parfois révélé être un piètre scénariste, uniquement intéressé par la reproduction de motifs filmiques, autant lorsqu'il s'associe à des auteurs comme Oliver Stone sur Scarface ou David Koepp, il incarne ce que le cinéma américain sait faire de mieux. L'Impasse est un diamant noir qui ne cesse pas de nous dévoiler ses richesses. 

Antoine Jullien 

* Au cinéma La Filmothèque du Quartier Latin, Paris 5ème. 
* Brian De Palma, Entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud, Calman-Lévy 2011

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