lundi 16 mai 2011

Cannes - Jours 2 à 4


Chers lecteurs, sachez qu'un festival comme celui de Cannes, lorsque vous êtes encore un novice, peut rapidement vous dépasser. C'est la raison pour laquelle les comptes-rendus ne sont pas aussi nombreux que mon exigence professionnelle devrait me les dicter. Dont acte. 

Le festival fait se confronter la cinéphilie la plus pointue à un monde d'artifice et de strass réduit sur quelques kilomètres carré. Sur la fameuse croisette, on rencontre des personnes en smoking cherchant désespérément une place qui leur donnerai l'accès à la mythique montée des marches, des créatures extravagantes que les photographes mitraillent à loisir, des stars que l'on peut croiser au bar du Carlton et des touristes qui regardent toute cette agitation d'un oeil amusé. Un monde qui s'arrête pendant douze jours et qui semble étranger aux évènements extérieurs. Quoique l'Affaire médiatico-politique du jour n'a quand même pas pu nous échapper !

Habemus Papam de Nanni Moretti  Le Pacte

Et les films dans tout cela ? Débutons avec la compétition qui a déjà présenté six longs métrages. Après le puissant We need to talk about Kevin et le décevant Sleeping Beauty (voir cannes Jour 1), les festivités ont continué avec Habemus Papam de Nanni Moretti. Le cinéaste italien, Palme d'or avec La Chambre du fils, nous brosse le portrait d'un pape, qui, suite à son élection, refuse de se présenter à ses fidèles, ne supportant pas le poids d'une telle responsabilité. L'homme est incarné par un Michel Piccoli dont la démarche lasse et le timbre de voix déclinant accompagnent ce personnage bouleversé par le retour à son passé. Nanni Moretti nous montre pour la première fois l'élaboration d'un conclave et filme magistralement les regards et les poses de ces hommes d'église qui assistent, médusés, à la venue de la psychanalyse dans la cause papale. L'arrivée de Nanni Moretti dans ce rôle apporte au film des grands instants comiques, un mélange de bouffonnerie assumée et de critique à peine voilée du Vatican. Mais le cinéaste ne se contente pas d'une critique d'un système en vase-clos, il le dynamite en se donnant le rôle d'un agitateur de conscience saugrenu. Mais c'est la trajectoire de l'homme Piccoli qui émeut le plus, lorsque, pour ne pas dévoiler sa véritable identité, il se dit "acteur". Moretti filme une crise de foi qui s'achève vers une sorte d'apaisement. Le renoncement peut avoir de la grandeur.



Footnote de Joseph Cedar  Haut et Court

En revanche, la déception est forte quant au deuxième long métrage de Joseph Cédar, Footnote. Le cinéaste, remarqué avec son premier long métrage Beaufort, nous raconte la relation compliquée entre un père et son fils, tous les deux chercheurs. Quand l'un n'a jamais été reconnu par son travail, l'autre jouit d'une grande réputation dans le milieu universitaire. Jusqu'au jour où le père reçoit un coup de fil lui annonçant qu'il est lauréat du prix Israël. Sauf qu'il s'agit d'une erreur et que le lauréat véritable n'est autre que son fils... Le réalisateur livre un film très inégal, recelant de vrais moments originaux, parfois proches du burlesque et provoquant des ruptures de ton stimulantes mais ne parvient pas à bâtir une oeuvre cohérente. Trop long et chargé d'une musique qui singe grossièrement la comédie américaine, le film ne transforme pas l'essai. Pas sûr que les universitaires trouveraient cela très abouti...




Le gamin au vélo de Luc et Jean-Pierre Dardenne  Diaphana Distribution

Et les Dardenne ? Pour la cinquième fois en compétition (et 2 palmes d'Or !) ils nous racontent, dans Le Gamin au Vélo (sortie en salles le 18 mai), la recherche effrénée d'un jeune garçon pour retrouver son père qui l'a placé provisoirement dans un foyer pour enfants. Le gamin va être aidé par une jeune femme qui accepte de s'en occuper. Un amour qu'elle va savoir lui donner... Les Dardenne ne bougent plus autant leur caméra, tombent moins ouvertement dans le sordide et c'est tant mieux ! Ils nous proposent un film dont la sérénité émeut et où la direction d'acteurs fait une fois de plus merveille. Ils expurgent tout élément explicatif, laissant soigneusement de côté certains détails de la vie des personnages qui vivent et agissent, devant nous, pour des raisons que les cinéastes ne cherchent nullement à signifier. Un beau film solaire.



Restless de Gus Van Sant  Sony Pictures

Mais le festival ne se résume pas à la Compétition. Dans la sélection officielle, on retrouve Un Certain Regard qui a cette année fait l'ouverture avec le nouveau film de Gus Van Sant, Restless. Ni objet arty ni film hollywoodien, le long métrage se situe dans un entre deux très attachant. Une histoire d'amour entre un jeune homme fasciné par la mort au point d'aller régulièrement à des enterrements et une jeune femme atteinte d'un cancer. Porté par la candeur de Mia Wasikowska (l'Alice au pays des Merveilles) et la nonchalance de Henry Hooper (le fils du regretté Dennis), le film est empreint d'une drôlerie macabre que n'aurait certainement pas renié Tim Burton (la musique est d'ailleurs composée par Danny Elfman !). Malgré son statut d'oeuvre de commande, Gus Van Sant a su lui donner sa pâte, filmant comme à son habitude sa région de Portland dans des belles couleurs mordorées que l'on doit à son chef opérateur attitré Harris Savides. Une mélancolie profonde se dégage du film dont on ressort ému mais heureux. Les aficionados du cinéaste le considèreront sans doute comme une oeuvre mineure mais ceux dont je fais partie qui sont loin d'être des admirateurs éconduits le situe comme l'un de ses meilleurs films, nettement plus revigorant que ses grandes oeuvres supposées.



Quant il n'y a plus de films à voir, que fait-ton ? Longer la Croisette et atterrir dans l'une des très nombreuses fêtes organisées sur la plage. Les gens se ruent aux entrées, brandissent leur carton d'invitation comme un précieux sésame, espérant pénétrer dans la jet set du septième art. Une fois rentré, le fantasme s'estompe vite et l'on ne peut rester dupe longtemps du spectacle qui nous est offert. Mais voir se dandiner, une coupe de champagne à la main, tout ce beau monde dont on ne sait pas s'ils font partie du cinéma ou d'ailleurs a quelque chose de fascinant. Une schizophrénie cannoise de plus en plus contagieuse...

Antoine Jullien

La soirée du film Bonsaï à la villa Schweppes. 

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