mercredi 7 octobre 2009

Thirst et The Informant !


Deux cinéastes talentueux nous reviennent cette semaine. Tout d'abord le coréen Park Chan Wook qui a obtenu au printemps dernier le prix du Jury au Festival de Cannes pour Thirst, ceci est mon sang. Après sa trilogie sur la vengeance (Sympathy for Mr. Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance), il s'agit cette fois d'un prêtre qui, suite à l'inoculation d'un virus, se transforme en vampire. Puis en vampire défroqué car l'ecclésiastique va tomber fou amoureux d'une jeune femme mariée à un homme qu'elle n'aime pas et sous le joug d'une belle mère qui l'a élevée mais qui la méprise.

Park Chan Wook ose alors le rapprochement avec Thérèse Raquin d'Emile Zola. C'est dire l'étonnante liberté dont jouit le cinéaste. Il reprend à son compte le film de vampire qui connait ces derniers temps une vraie renaissance (voir Twilight) en l'inscrivant dans un contexte à la fois très quotidien et très intimiste tant y apportant sa folie, douce parfois, fulgurante souvent. Il y a dans presque tous les films de Park Chan Wook plusieurs idées par plan et ce film ne déroge pas à la règle. Le cinéma coréen a sans doute trouvé en lui son plus beau représentant, prouvant une fois encore l'extrême créativité de cette jeune nation cinématographique. Déjà au mois de mars, le thriller The Chaser renouvelait un genre ultra codifié. Park Chan Wook en fait de même et parvient surtout, comme Coppola et son Dracula, a filmer l'essence même du mythe vampirique, le sang, substance de désir et de mort. C'est un amour fou qu'il nous raconte, incroyablement charnel, dévorant et souvent éclaboussé. Même si on peut lui reprocher une trop grande gourmandise (le film devrait être raccourci d'une demi heure), il réalise encore un film inclassable, émouvant et très (trop ?) sanguin.






On ne peut pas en dire autant de Steven Soderbergh qui depuis une dizaine d'années alterne projets expérimentaux à petits budgets (Bubble), réadaptations osées (Solaris) ou grosses productions classieuses (la trilogie Ocean's eleven). Mais depuis sa palme d'or précoce pour Sexe, Mensonge et Vidéo, Soderbergh a surtout excellé dans le divertissement d'auteur efficace et brillant dont le doublé Erin Brockovich / Traffic reste son plus beau fait d'arme.

Là, il nous raconte le destin de Mark Whitacre, un ingénieur d'une firme agroalimentaire, officiant comme taupe du FBI pour dénoncer les pratiques louches de ses patrons. Mais plus le temps passe et plus l'homme apparaît comme un affabulateur hors pair.

Soderbergh ne veut jamais faire comme tout le monde et ne voulait surtout pas refaire Erin Brockovich. Il opte donc pour la comédie mais de manière tellement ostensible, avec usage excessif de musique "seventies" et de couleurs chaudes, qu'il finit par rapidement lasser. Ce traitement "léger" est surtout un moyen facile pour ne pas s'attaquer à ce personnage tout à fait passionnant sur le papier mais indéchiffrable à l'écran. Tout comme l'intrigue, obscure et confuse, qui, à force de retournements tarabiscotés, irrite.

Nul point d'engagement ou de point de vue sur cette histoire vraie qui serait l'incarnation de l'arrogance du système américain et de sa faillite. Non, le cinéaste ne s'intéresse manifestement à rien de tout cela et encore moins à son personnage (pourtant joué à merveille par Matt Damon, qui a pris plus de dix kilos pour le rôle). L'escalade du mensonge, la paranonoia, voila bien des thèmes faits pour lui. Mais non, le monsieur filme, et de moins en moins bien. Quant Soderbergh ne se prend pas pour Antonioni (ne pas voir l'insupportable Girlfriend Experience), il tourne à vide. Comme quoi, avoir une palme d'Or a vingt six ans peut faire de vous un cinéaste (déjà) blasé. Triste époque.

Antoine Jullien

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