mercredi 6 avril 2016

Demolition

 
Depuis le succès de C.R.A.Z.Y, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée ne cesse de prendre des chemins détournés. A la différence de son compatriote Denis Villeneuve (Prisoners, Sicario), il ne possède pas de style identifiable, préférant se mouler dans des histoires souvent édifiantes inspirées de faits réels, comme le parcours de Ron Woodfrof dans le réussi Dallas Buyers Club qui valut un Oscar à Matthew McConaughey, ou le voyage intérieur très pesant de Reese Witherspoon dans Wild. Cette fois, il porte à l'écran un scénario original, écrit par Bryan Sipe et inscrit pendant un temps dans la fameuse Black List des meilleurs scripts n'ayant pas encore trouvé de producteur. Soit une attaque en règle contre les stéréotypes de la vie conjugale avant que la bienpensance ne prenne malheureusement le dessus. 

Banquier d'affaires ayant brillamment réussi, Davis (Jake Gyllenhaal) a perdu le goût de vivre depuis que sa femme est décédée dans un accident de voiture. Malgré son beau-père (Chris Cooper) qui le pousse à se ressaisir, il sombre de plus en plus. Un jour, il envoie une lettre de réclamation à une société de distributeurs automatiques, puis lui adresse d'autres courriers où il livre des souvenirs personnels. Jusqu'au moment où une de ces lettres attire l'attention de Karen (Naomi Watts), la responsable du service clients. Peu à peu, une relation se noue entre eux. 

Jake Gyllenhaal 

La tonalité acide de la première partie, à rebours des clichés, est séduisante. Jean-Marc Vallée dépeint un homme dont le manque d'affect envers sa femme disparue fascine. Au lieu de pleurer son épouse, il préfère se focaliser sur un distributeur automatique en panne, devenu l'objet de ses récriminations puis de ses confidences. Le réalisateur explore le vide qui entoure son protagoniste et l'idée d'une vie teintée d'illusion dans laquelle il faut à tout prix remplir les bonnes cases et où la réussite prédomine. Un juste état des lieux de l'homme moderne que Jake Gyllenhaal transfigure une fois encore grâce à sa présence presque fantomatique. Il nous transmet son envie furieuse de faire vaciller un système de valeurs sclérosé avec une rage intérieure très communicative.

En revanche, le bât blesse dans la seconde partie où notre antihéros va rentrer dans sa sempiternelle phase de rédemption. Les bonnes intentions initiales du scénario, plutôt subtil jusqu'ici, finissent par se retourner contre lui. Les révélations inutiles sur l'épouse défunte comme le coming out violent du fils de Naomi Watts, à la résonance douteuse, transforment l'objet poil à gratter du début en une ode rassurante et prévisible à la redécouverte de soi et des autres, réalisée avec de gros sabots qu'enfile aisément Jean-Marc Vallée. Le cas typique d'un cinéma indépendant prétendument audacieux qui ne va pas au bout de ses principes.

Antoine Jullien

États-Unis - 1h41
Réalisation : Jean-Marc Vallée - Scénario : Bryan Sipe
Avec : Jake Gyllenhaal (Davis Mitchell), Naomi Watts (Karen Moreno), Chris Cooper (Phil), Judah Lewis (Chris Moreno).


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