samedi 23 mai 2015

Mon Cinématographe à Cannes : Audiard en territoire tamoul, Depardieu perdu dans la Vallée de la Mort



Le festival de Cannes se termine et la fatigue accumulée empêche de disposer encore d'une lucidité à toute épreuve. C'est la loi de l'évènement qui nous impose parfois des jugements hâtifs qu'il sera bon de remiser à tête reposée. 

Dheepan, le nouveau Jacques Audiard, représentait le dernier espoir d'une sélection plutôt faible. Le réalisateur de De Battre mon coeur s'est arrêté s'est intéressé à un ancien combattant tamoul qui fuit la guerre civile au Sri-Lanka, accompagné d'une femme et d'un enfant qui se font passer pour sa famille, afin de tenter de se reconstruire en France. 

Dheepan de Jacques Audiard

Le talent du cinéaste est à l’œuvre, qu'on se rassure, et il est presque embarrassant de voir qu'en seulement quelques séquences il surclasse presque tout le cinéma français. Dans les deux premiers tiers du récit, la maîtrise du réalisateur se déploie majestueusement tout en opérant quelques changements stylistiques marqués par l'absence inédite de son compositeur attitré Alexandre Desplat et l'arrivée d'une nouvelle chef opérateur, Eponine Momenceau, à qui l'on doit des images ensorcelantes évoquant le passé de Dheepan. Un renouveau dans sa mise en scène qui atteint une grande ampleur et quelque pics d'intensité, notamment lors d'une stupéfiante séquence de gunfight

Mais notre réserve vient justement de cette dernière partie qui semble effacer tout ce qui avait été entrepris jusque là. Audiard tombe dans le cliché de la guerre des gangs et le final, très ambigu, tend à donner une vision assez déplaisante de l'âme humaine, une sorte de loi du talion qui ne dirait pas son nom. Mais il faut souligner l'interprétation des deux comédiens principaux, non-professionnels, qui rejouent à l'écran ce qu'ils ont vécu, Antonythasan Jesuthasan ayant été enrôlé dès l'âge de 16 ans par les Tigres Tamoul. Ils mériteraient tous les deux le prix d'interprétation. A noter que le film a été présenté sans générique de fin, le signe évident qu'il était à peine terminé au moment de sa présentation. Jacques Audiard devrait peaufiner son montage avant la sortie du film prévue le 26 août et ainsi nous proposer cette fois le grand film espéré. 

Valley of Love de Guillaume Nicloux

Guillaume Nicloux a réuni le couple Huppert-Depardieu qui ne s'était pas reformé depuis Loulou de Maurice Pialat en 1980. C'est à l'initiative de l'heureuse productrice de Timbuktu, Sylvie Pialat, que l'on peut à nouveau les contempler dans Valley of Love. Ils jouent Isabelle et Gerard qui se retrouvent dans la Vallée de la Mort pour honorer une invitation qu'ils ont reçue de leur fils après son suicide. 

Si Nicloux dit avoir trouvé dans ce lieu insolite des réminiscences mystiques, le spectateur, lui, n'est pas embarqué. Le film est plombé par une solennité qui l'étouffe totalement. De plus, les acteurs semblent égarés à commencer par Isabelle Huppert, mal dirigée. Spectateur du film, Depardieu s'en tire mieux mais ne parvient pas à nous sortir de notre torpeur. Très mal dialogué, platement réalisé, Valley of Love ne convainc pas une seconde. Encore une fois un mystère de cette sélection. 

The Assassin de Hou Hsiao-hsien

Le cinéma asiatique avait aussi le droit de citer pendant ce festival qui représentait ces cinéastes les plus prestigieux. Si Jia Zhang-Ke délivre, avec Mountains May Depart, un nouveau portrait affûté de la société chinoise dont la mise en scène brille par son acuité et sa précision, on ne peut pas en dire autant du dernier opus du cinéaste taïwanais Hou Hsiao-hsien, The Assassin, dont la gestation fut très compliquée. On s'attendait à un film de sabre virevoltant, il faudra se contenter de deux scènes de bataille et d'une succession interminable de plans tableau, sublimes certes, mais qui provoquent un ennui très vite contagieux. Quant à l'intrigue, alambiquée à n'en plus finir, on s'en désintéresse rapidement. On aurait préféré éviter cette purge qui ravira uniquement ceux qui, droit dans les yeux, vous diront qu'ils ne sont pas tombés dans les bras de Morphée durant la projection. 

Antoine Jullien

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