mardi 19 mai 2015

Mon Cinématographe à Cannes : Au coeur de la fête



Mon Cinématographe est au coeur des fêtes cannoises pour évoquer les films présentés en compétition, à commencer par le dernier long métrage de Nanni Moretti, Mia Madre, qui voit une réalisatrice se confronter à la mort prochaine de sa mère alors qu'elle tourne un film avec une star américaine égocentrique qui n'a de cesse que d'oublier son texte. 

Margherita Buy et John Turturro dans Mia Madre 

Margherita Buy interprète ce personnage fermé aux autres et pas très sympathique qui permet à Moretti d'échafauder un portrait en creux de son métier de cinéaste. Il mêle brillamment deux réalités, celle d'un tournage contrarié par une vedette qui prétend avoir tourné avec Stanley Kubrick, interprétée par un irrésistible John Turturro qui insuffle une réjouissante drôlerie au film contrebalancée par la gravité du thème de la mort prochaine. Le cinéaste montre comment on peut redécouvrir sa mère grâce au souvenir. Il le dit sans fioritures ni pathos, avec une certaine dignité. Un beau film, secrètement bouleversant. 

The Sea of Trees de Gus Van Sant

On ne pensait pas voir de navets en compétition officielle et pourtant Gus Van Sant a réussi ce prodige ! Massacré par l'ensemble de la critique, The Sea of Trees est une catastrophe artistique qui voit le pauvre Matthew McConaughey partir se suicider dans une forêt située au pied du mont Fuji au Japon. Là, il y rencontre un japonais qui a la même intention que lui. 

L'extrême banalité de la réalisation ajoutée à un scénario bête et consternant font que cette Forêt des Songes (le titre français) s'effondre en miettes. La pseudo philosophie du film, assénée avec une lourdeur stupéfiante, confine au ridicule. On est gêné par cette vision très caricaturale du Japon et par ces allers retours dans le scénario qui condamnent de manière très déplaisante la pauvre Naomi Watts auquel son personnage subit une sorte de double-peine. Quant à l'oscarisé Matthew McConaughey, il descend de son piédestal, la faute à une interprétation outrancière qui vire au lamentable cabotinage. La présence de ce film en compétition demeure un mystère pour lors insondable. 

Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel dans Mon Roi 

Quatre ans après Polisse qui lui avait valu le prix du Jury, Maïwenn revient en compétition grâce à Mon Roi qui raconte une histoire d'amour sur une dizaine d'années, forcément autodestructrice et maladive (c'est Maïwenn), entre Emmanuelle Bercot (la réalisatrice de La Tête Haute) et Vincent Cassel. 

A coup d'improvisation, Maïwenn repose l'essentiel de son film sur les épaules de ses comédiens. Ils sont d'ailleurs très bons et demeurent la principale qualité du film. Pour le reste, la réalisatrice n'a pas grand chose de neuf à nous raconter sur un sujet qui a donné lieu à plusieurs films majeurs. Le relatif schématisme des personnages, l'opposition un poil binaire entre le bourreau charmeur (Cassel) et la  victime (Bercot) n'est pas d'une folle originalité. La réalisatrice ne brille pas non plus par l'audace de sa mise en scène qui se contente de faire hurler Emmanuelle Bercot sous la pluie lors d'une scène de rupture. Les allers-retours scénaristiques appuient de manière complaisante sur la supposée reconstruction du personnage féminin. Et le milieu autour de ce couple, cher à la réalisatrice, finit par irriter. Ce n'est pas avec ce Roi-là que l'on se réconciliera avec le cinéma de Maïwenn.  

Antoine Jullien 

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