jeudi 30 avril 2015

En attendant Cannes

UN PIGEON / EVERY THING WILL BE FINE / CAPRICE / MELODY / THE BIG LEBOWSKI / HYENA

Avec une belle vague d'ensoleillement (qui se termine !) et une relative désertion des salles, le temps cinématographique s'est arrêté. Peu de films vraiment passionnants, beaucoup de mauvais, tout le monde a désormais les yeux rivés sur un petit festival de la Côte d'Azur. La période est surtout propice à se replonger dans l'histoire du cinématographe grâce à la passionnante exposition Lumière au Grand Palais à laquelle Mon Cinématographe consacre un reportage très instructif (voir l'interview de Jacques Gerber), mais aussi à la célébration des 120 ans de Gaumont au Centquatre et à la rétrospective Michelangelo Antonioni à la Cinémathèque dont nous reparlerons plus en détail prochainement. 

Du côté des salles obscures, voici une sélection non-exhaustive de ce qu'on peut aller voir et ce qu'il est préférable d'éviter (on vous aura prévenu !).


UN PIGEON PERCHE SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L'EXISTENCE


Un titre à rallonge pour une œuvre faussement novatrice. Le réalisateur suédois Roy Andersson n'a fait que trois longs métrages en quinze ans et celui-ci a décroché un inexplicable Lion d'Or à la Mostra de Venise. Composé d'une vingtaine de plans fixes, le film se veut le reflet de "l'extrême fragilité de l'humanité". On constate surtout que le cinéaste considère ses personnages comme des rats de laboratoire, maquillés comme des cadavres alors que le réalisateur qualifie lui-même (ironiquement ? ) son œuvre de Trilogie des Vivants, et porte sur eux un regard dédaigneux et quelque peu condescendant. Terriblement répétitif (le procédé formel est toujours le même), pas drôle (alors qu'Andersson le croit "comique") et peu inventif, ce Pigeon finit par nous enfoncer dans un pénible ennui. Un médiocre et assez détestable théâtre de la condition (in)humaine.

Suède / Norvège / France / Allemagne - 1h40
Réalisation et Scénario : Roy Andersson
Avec : Holger Andersson (Jonathan), Nils Westblom (Sam), Charlotta Larsson (Lotta la Boiteuse). 


EVERY THING WILL BE FINE 


S'entourer des meilleurs collaborateurs n'est pas forcément un gage de réussite, bien au contraire. Wim Wenders en fait tristement les frais avec son nouveau long métrage pour lequel il a convié Benoît Debie, le chef opérateur de Gaspar Noé, et le compositeur oscarisé Alexandre Desplat. Le premier signe une photo chichiteuse et esthétisante tandis que le second réalise une partition platement hermanienne. Wim Wenders a jeté son dévolu sur un scénario du norvégien Bjorn Olaf Johannessen racontant comment un écrivain tente de se remettre de l'accident qui l'a vu heurter mortellement un petit garçon avec sa voiture. L'écrivain en question est joué par l'insipide James Franco dont on guette à chaque plan ou presque s'il ne va pas s'endormir tellement il semble en état de léthargie permanente. Autour de lui, une galerie d'actrices qui n'a pas grand chose à jouer (Charlotte Gainsbourg, Rachel McAdams, Marie-Josée Croze) et un cinéaste qui ne sait pas quoi filmer. Coupable d'une mise en scène très datée composée de mouvements d'appareil superflus et de multiples fondus au noir censés créer d'inutiles ellipses, Wim Wenders ne nous passionne guère et on se dit que le cinéaste a définitivement perdu le terrain de la fiction au profit, heureusement, du documentaire pour lequel il retrouve de tant à autre de l'inspiration (Pina, Le Sel de la Terre). 

Allemagne / Canada / France / Suède / Norvège - 1h55
Réalisation : Wim Wenders - Scénario : Bjorn Olaf Johannessen
Avec James Franco (Tomas Eldan), Charlotte Gainsbourg (Kate), Marie-Josée Croze (Ann), Rachel McAdams (Sara). 
 

CAPRICE


Pétillant comme une bulle de champagne le nouveau film d'Emmanuel Mouret ? Pas tout à fait. Mais une récréation plutôt plaisante dans laquelle l'acteur/cinéaste est (encore) l'objet de toutes les attentions féminines, ici délicieusement incarnées par Virginie Efira et Anaïs Demoustier. Mouret retrouve son éternel costume de séducteur un peu gauche qui va passer de femme en femme au milieu d'un décor très parisien, presqu'irréel. Un film à la française, vaguement démodé comme les aime les américains, qui possède un charme indéniable et n'est pas sans rappeler un certain Woody Allen auquel Mouret empreinte les mêmes tonalités photographiques mordorées. Il souffre tout de même d'un rythme trop lâche et de péripéties convenues. Mais le rendez-vous n'est pas désagréable. 

France - 1h40
Réalisation et Scénario : Emmanuel Mouret 
Avec : Emmanuel Mouret (Emmanuel), Virginie Efira (Alicia), Anaïs Desmoutier (Caprice), Laurent Stocker (Thomas). 


MELODY 


Bernard Bellefroid n'a pas choisi la facilité pour son second long métrage. Melody raconte comment une jeune femme décide, afin de devenir propriétaire de son salon de coiffure, de porter le bébé d'une autre pour une importante somme d'argent. On pourrait imaginer un film à thèse sur la GPA mais le réalisateur, dans le première partie du moins, préfère explorer finement et délicatement les points de vue des deux femmes et les difficultés évidentes d'une telle relation. Le film ne se positionne pas pour ou contre ce sujet sociétal hautement polémique même s'il pointe les conséquences d'un tel choix et les questions éthiques qu'il soulève. Dommage que Bernard Bellefroid n'aille pas au bout de son propos, bifurquant vers le mélo dans le dernier tiers, ce qui a comme conséquence d'évacuer son caractère dérangeant. Reste un film porté par deux magnifiques actrices, Rachael Blake et Lucie Debay. En salles le 6 mai. 

Belgique / Luxembourg / France - 1h32
Réalisation : Bernard Bellefroid - Scénario : Bernard Bellefroid, Carine Zimmerlin, Anne-Louise Trividic et Marcel Beaulieu
Avec : Rachael Blake (Emily), Lucie Debay (Melodie), Don Gallagher (Gary). 

THE BIG LEBOWSKI 


Le Dude revient dans une copie numérique restaurée de ce qui reste comme le chef d’œuvre le plus barré et halluciné des frères Coen, futurs présidents du jury du Festival de Cannes. Un film  totalement prafadingue, contenant au moins une idée par plan, avec de nombreuses scènes d'anthologie (ah Jesus !) et des acteurs extraordinaires (Jeff Bridges, John Goodman, John Turturro et tant d'autres...) Une œuvre culte (après une réception mitigée à sa sortie) qu'on ne se lasse pas de revoir et qui incarne à merveille l'esprit génial des frangins qui, on ne le mesure pas toujours, ont non seulement sublimé les joueurs de bowling comme personne mais ont surtout révolutionné le cinéma contemporain. Il faut savoir que le film a engendré de nombreux clubs de fans à travers les Etats-Unis qui se réclament tous de Mr Lebowski et de son incontournable White Russian.

Etats-Unis - 1998 - 1h57
Réalisation et Scénario : Joel et Ethan Coen 
Avec : Jeff Bridges (The Dude), John Goodman (Walter Sobchak), Steve Buscemi (Donny), Julianne Moore (Maude Lebowski), John Turturro.


HYENA 


Enfin, le film qu'il ne faut pas manquer est l'impressionnant Hyena de Gerard Johnson, récompensé par le Prix du Jury au festival de Beaune. Un polar brutal et sans concession qui voit un flic corrompu affronter à Londres une terrifiante mafia albanaise. Si le genre semble rebattu, Gerard Johnson lui procure une très grande intensité grâce à sa direction d'acteurs au cordeau et à son authenticité qui nous glace d'effroi. 

Vous pouvez retrouver l'interview que le réalisateur nous a accordée où il revient sur ses méthodes de travail, proches du documentaire, et sur son choix d'un final audacieux et culotté. A noter que le film sort en salles le 6 mai et qu'il est interdit aux -16ans.

Antoine Jullien

Grande-Bretagne - 1h52
Réalisation et Scénario : Gerard Johnson
Avec : Peter Fernandino (Michael), Stephen Graham (David Knight), Elisa Lasowski (Ariana).

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