mercredi 8 avril 2015

Jamais de la vie

 
Le réalisateur Pierre Jolivet est un touche à tout qu'on a parfois du mal à classer. Il aimerait sans doute la remarque et sa filmographie le démontre, allant d'un côté vers le film policier (Fred, Mains Armées), de l'autre vers la comédie (Ma petite entreprise), lorgnant même vers le film médiéval (Le frère du Guerrier). Le point commun qui unit presque tous ses films est un certain attachement à une réalité sociale dont il se dit très sensible. Avec Jamais de la vie, le cinéaste signe sans conteste l'un de ses meilleurs films et offre un grand rôle à un comédien qui peut décidément tout jouer : Olivier Gourmet. 

Frank, 52 ans, est gardien de nuit dans un parking d'un centre commercial. Ancien délégué syndical dans une entreprise, il est aujourd'hui le spectateur fataliste de sa propre vie. Une nuit, il voit un 4x4 rôder sur le parking et sent que quelque chose se prépare. Il décide alors d'intervenir. Une occasion unique pour lui de reprendre sa vie en main. 

Marc Zinga et Olivier Gourmet

Un film se résume parfois à un visage. Celui d'Olivier Gourmet est presque une œuvre en soi tant il raconte tout de ce personnage, un homme dont la vie semble être déjà derrière lui, sans futur ni perspective. Une existence autrefois vécue dans le combat et l'engagement et désormais ballottée entre un HLM de banlieue et un parking de grande surface. L'acteur est une fois encore impressionnant de retenue et de présence, lui qui est autant crédible un jour en flic dans L'Affaire SK1 que le lendemain en ministre dans L'Exercice de l'Etat. D'une justesse confondante, le comédien, tout en rage contenue, est le véritable moteur du film et sa principale raison d'être. Autour de lui gravite une troupe d'acteurs formidables, de Valérie Bonneton à Marc Zinga en passant par Julie Ferrier et Thierry Hancisse. 


Très inspiré par son casting, Pierre Jolivet l'est également dans sa retranscription à l'écran d'une réalité sociale éprouvante. Jamais misérabiliste, le cinéaste porte un regard sensible et parfois bouleversant sur ses personnages qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Grâce à une caméra alerte et une économie de mots remarquable, il filme la détresse humaine au quotidien, les arrangements et les petits trafics mais aussi une forme discrète de solidarité et d'entraide.

Quand il arrive enfin un évènement dans la vie de Frank, l'homme pense détenir une opportunité pour que les choses changent enfin. Mais à sa manière. Le polar s'invite alors judicieusement dans le récit en décuplant l'intensité du film dans son dernier tiers. Ce qui n'empêche pas Pierre Jolivet de faire une pause dans son intrigue à travers la virée nocturne et tristement alcoolisée de Frank dans la capitale. Loin des autres et plus encore de lui-même, le révolté d'antan s'est mué en homme résigné avant d'accomplir son dernier acte de justicier. Le final, noir et désespéré, nous saisit. Plus que n'importe quel reportage édifiant, Jamais de la vie est le portrait âpre et lucide d'une société vissée pour qui le mot "avenir" dessine des contours de plus en plus flous.

Antoine Jullien

France - 1h35
Réalisation et Scénario : Pierre Jolivet 
Avec : Olivier Gourmet (Frank), Valérie Bonneton (Mylène), Marc Zinga (Ketu), Thierry Hancisse (Etienne), Julie Ferrier (Jeanne). 


Disponible en DVD chez Ad Vitam. 

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