"Dans le paradis soviétique, le crime n'existe pas" selon Joseph Staline. Et il n'était pas bon de contredire la doctrine du "Petit Père des Peuples" comme va l'apprendre à ses dépends un agent russe confronté à des meurtres d'enfants. En adaptant le roman de Tom Rob Smith, le réalisateur suédois Daniel Espinosa, remarqué grâce à Easy Money, nous plonge dans une période particulièrement sombre où la répression et les menaces étaient constantes.
En 1952, Leo Demidov (Tom Hardy) est un brillant agent de la police secrète soviétique promis à un grand avenir au sein du Parti. Lorsque le corps d'un enfant est retrouvé sur une voie ferrée, il est chargé de classer l'affaire, les autorités voulant faire croire à un accident. Mais rapidement, le doute s'installe dans la tête de Léo et il découvre que d'autres enfants sont morts dans les mêmes circonstances. Soupçonné de trahison, il est contraint de quitter Moscou avec sa femme (Noomi Rapace). Il décide alors de se lancer dans une enquête qui va les mener vers un insaisissable tueur en série.
Tom Hardy
Daniel Espinosa recrée brillamment cette période que certains de nos intellectuels ont tant voulu glorifier. Loin des promesses de l'idéal communiste, les personnages ont la tête immergée dans une société hautement paranoïaque où chacun espionne son prochain. Cette atmosphère de suspicion très pesante irrigue le film en permanence, renforcée par un réel souci d'authenticité porté par la photographie, les décors et les costumes. Le livre dont le film est inspiré évoque la vie réelle du serial killer Andrei Chikatilo, surnommé "L'éventreur de Rostov", exécuté en 1994 après avoir été reconnu coupable du meurtre et de la mutilation de cinquante-deux femmes et enfants en Russie Soviétique au début des années 50.
Tom Hardy et Noomi Rapace
L'intrigue, haletante, est soutenue par le charisme de Tom Hardy et la détermination de Noomi Rapace. Une union boiteuse au départ car il s'agit d'un couple par défaut qui va, à l'épreuve des circonstances, devoir combattre ensemble un régime qui les considèrent
comme "des ennemis du peuple". Le couple vedette, déjà à l'affiche de Quand Vient La nuit (voir l'interview de Michael R. Roskam) éclipse les autres personnages, à peine esquissés. On regrette également que Daniel Espinosa cède trop souvent à l'efficacité au détriment de l'intériorité, enrobant le film d'une musique platement illustrative et le concluant de manière trop appuyée. Il escamote également certains pans du livre, notamment l'enfance du héros durant la famine ukrainienne et les motivations réelles du tueur.
Mais alors que le long métrage est interdit en Russie où la réhabilitation de "l’œuvre stalinienne" est en marche, Enfant 44, malgré la relative indifférence qui l'entoure, a la mérite de revenir sur l'un des pires totalitarismes de notre Histoire. Et s'il n'est pas le grand film historique qu'il n'a jamais prétendu incarner, il est surtout un thriller de bonne facture. Au moins une bonne raison d'aller le découvrir.
Antoine Jullien
Etats-Unis / Grande-Bretagne / République Tchèque / Roumanie - 2h17
Réalisation : Daniel Espinosa - Scénario : Richard Price d'après le livre de Tom Rob Smith
Avec : Tom Hardy (Leo Demidov), Noomi Rapace (Raisa Demidov), Gary Oldman (Genéral Mikhail Nesterov), Joel Kinnaman (Vasili).
Disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéo.
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