Avec David Fincher, on est habitué à l'excellence. Contrairement à de nombreux critiques qui ont seulement commencé à considérer le cinéaste à partir de Zodiac (soit au bout de son sixième film !), d'autres ont su déceler dès le départ le talent immense du bonhomme. Alors qu'il n'a aujourd'hui plus rien à prouver, il revient sur ses terres de prédilection, celles du thriller, en choisissant d'adapter le best-seller de Gillian Flynn Les Apparences. Un titre qui résume parfaitement l'ambition de Fincher : gratter le vernis de la bienséance pour faire ressurgir le pire de notre (in)humanité.
L'action se déroule dans le Missouri où un homme marié (Ben Affleck) signale la disparition de sa femme (Rosamund Pike). La police se met à enquêter sur ce couple "normal" et les habitants participent activement aux recherches pour tenter de retrouver la disparue. Mais devant le comportement étrange du mari et de ses mensonges répétés, l'opinion publique se met à s'interroger : et si cet homme avait tué sa femme ?
Ben Affleck
Si l'on se gardera bien de dévoiler les rebondissements les plus importants de ce suspense redoutable, il est peut-être préférable, à celui ou celle qui n'a pas encore eu la chance de voir Gone Girl, de ne pas lire les lignes qui vont suivre. Car David Fincher mène son intrigue avec un tel brio qu'il est bien difficile pour le spectateur d'avoir un coup d'avance. Le film entremêle la chronique amère d'un couple en plein délitement, un thriller machiavélique et retors et une satire mordante du monde des apparences, avec une fluidité et une maestria qui subjuguent et fascinent. Le cinéaste n'en n'est certes pas à son coup d'essai mais de combien de films qui durent 2h30 ont peut affirmer sans la moindre hésitation qu'aucune minute n'est à retirer, qu'aucune digression ou temps mort inutile ne viennent plomber le rythme ? Cet art du récit que maîtrise Fincher avec une précision d'horloger a trouvé une nouvelle dimension grâce à des collaborateurs précieux (Kirk Baxter au montage, Jeff Cronenweth à la photo) qui amènent le cinéaste au sommet de la perfection formelle.
Ben Affleck et David Fincher sur le tournage de Gone Girl
Mais il ne s'agit pas d'une virtuosité vaine, Gone Girl est sans doute le film le plus politique de Fincher. A travers une histoire de mariage qui prend l'eau, c'est tout un modèle de société que le cinéaste interroge, non sans une ironie féroce. Et l'Amérique est dans sa ligne de mire, le réalisateur filmant des talk-shows transformés en jurys populistes et une obsession de transparence qui voit soudain un homme détesté devenir une victime. Pour interpréter cet homme sans qualités, Ben Affleck est admirable de lâcheté ordinaire et de faiblesse coupable. Face à lui, Rosamund Pike, l'épouse malheureuse, est la véritable révélation du film, interprétant de manière glaçante une femme banale se métamorphosant peu à peu en un personnage de film noir.
En auscultant les aspects les moins reluisants du mariage basés sur le mensonge, la dissimulation et la veulerie, Fincher égratigne l'image du couple idéal que chacun voudrait, même inconsciemment, refléter, et les dernières images, délicieusement ambiguës, signent la destruction de ce modèle factice. Ce mélange de lucidité, d'ironie et de manipulation auraient certainement plu à un certain Alfred Hitchcock, qui a trouvé en David Fincher son digne héritier.
Etats-Unis - 2h29
Réalisation : David Fincher - Scénario : Gillian Flynn d'après son roman
Avec : Ben Affleck (Nick Dunne), Rosamund Pike (Amy Dunne), Tyler Perry (Tanner Bolt), Carrie Coon (Margo Dunne), Neil Patrick Harris.
Disponible en DVD et Blu-Ray chez Fox Vidéo.
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