mercredi 4 novembre 2015

The Walk - Rêver plus haut

 
L'étonnante histoire de Philippe Petit a déjà donné lieu à un passionnant documentaire réalisé par James Marsh, Le Funambule, primé aux Oscars en 2009. Jamais avare de tours de force technologiques, Robert Zemeckis (Retour vers le futur, Forrest Gump, Seul au monde) y a vu matière à une nouvelle aventure visuelle comme il en a le secret. Depuis la fin de sa parenthèse de la perfomance capture, guère concluante, le cinéaste a retrouvé son art du récit, d'abord dans le très sous-estimé Flight, et aujourd'hui dans The Walk, qu'il déploie ici avec un bonheur inégal.

Philippe Petit est mondialement célèbre depuis ce jour du 7 août 1974 où il remporta un pari fou, celui de joindre, sur un fil suspendu au dessus du vide, les deux tours du World Trade Center, alors à peine achevées.

Autant prévenir le spectateur d'emblée : le morceau de bravoure du film tant attendu n'intervient que dans sa dernière demi-heure. Il faut auparavant supporter une première partie calamiteuse qui voit soudain Robert Zemeckis pris dans les filets d'un cinéma très (trop) old school. La façon dont Philippe Petit raconte son épopée, assis sur la Statue de la Liberté, semble tout droit sortie d'une mauvaise image d’Épinal. L'emploi systématique de l'anglais, alors que Petit est français et vit à Paris, est grotesque, et dénote dans le choix de Joseph Gordon-Levitt, un acteur américain parlant la langue de Molière comme une vache espagnole, une faute de casting majeure. Enfin, cette représentation périmée d'une époque et d'une France de vulgaire carte postale ringardise encore un peu plus le film qui n'est pas aidé par ses dialogues prévisibles ni par la faiblesse des scènes "à faire". 

Joseph Gordon-Levitt

Les motivations profondes de Philippe Petit n'intéressent manifestement pas Zemeckis, le funambule lui-même ayant déclaré à plusieurs reprises "qu'il n'y avait pas de pourquoi". Le cinéaste filme alors ce qu'il sait faire de mieux : l'évasion, l'envie d'échapper à une terne réalité pour accomplir un rêve insensé. A l'instar de plusieurs personnages du cinéaste, Petit a ce besoin impérieux de vivre l'extraordinaire, et la caméra de Zemeckis, devenue vertigineuse grâce à l'emploi en profondeur de la 3D, accompagne gracieusement ce geste plein de panache. Le spectateur aura patienté longtemps avant de frissonner, mais ces quelques instants de magie justifient le déplacement.

Les deux tours jumelles, qui nous écrasent de leur puissance, trouvent enfin "une âme", selon l'un des protagonistes. Cette vision presque fantasmée fait évidemment écho aux tragiques évènements qui les ont réduit en miettes. Las, l’optimisme forcené de Zemeckis ne contrariera pas une perception de l'Amérique et de ses fondations que l'on aurait espérée plus lucide et moins naïve. Imprimer la légende coûte que coûte, toujours et en tout lieu. Tel est le crédo du cinéaste.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h03
Réalisation : Robert Zemeckis - Scénario : Robert Zemeckis et Christopher Browne d'après le livre de Philippe Petit
Avec : Joseph Gordon-Levitt (Philippe Petit), Charlotte Le Bon (Annie Allix), Ben Kingsley (Papa Rudy), Clément Sibony (Jean-Louis).

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Sony Pictures

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