mercredi 9 mars 2011

Winter's bone


La réalisatrice Debra Granik nous embarque dans un voyage très éloigné du clinquant hollywoodien. La forêt des Ozarks, dans le Missouri, est le décor reculé et sauvage de Winter's bone. Adapté du roman de Daniel Woodrell, le film raconte la lutte de Ree Dolly, 17 ans, élevant seule son frère, sa soeur et sa mère. Quand son père sort de prison et disparaît sans laisser de traces, elle doit partir à sa recherche si elle veut récupérer leur maison que son père a utilisé comme caution. Elle n'a alors qu'une seule idée en tête, sauver sa famille face à des habitants hostiles... 

Les souvenirs cinéphiles reviennent en mémoire à la vue des premières images et l'on repense très vite à Délivrance mais Debra Granik se dirige vers des sentiers moins monstrueux et plus sensibles. Elle filme cette jeune femme, une adulte dans le corps d'une adolescente, assumant une existence pénible, en but à la violence de ses voisins. La réalisatrice, pour préparer son film, a établi une vaste recherche documentaire afin de se rapprocher au plus près du vécu des habitants des Ozarks. Une véracité qui ressort de tous les plans sans que la réalisatrice ne surcharge des personnages taciturnes et brutaux. Peu de mots, peu d'explications, les regards en disent beaucoup plus que les discours. Ce mutisme crée une forte impression de danger renforcée par un décor des plus inhospitalier.

Jennifer Lawrence

Plus Ree Dolly cherche la vérité sur son père, plus les gens autour d'elle se referment. L'apparition de son oncle (troublant John Hawkes) marque le point d'équilibre du film et l'on ne sait jamais s'il se place de son côté ou s'il la manipule. Car la loi du silence semble être la religion des Ozarks qu'incarne physiquement une impressionnante brochette de comédiens. Debra Granik a choisi des "gueules" en évitant de les transformer en bêtes de foire. 

La réalisatrice oscille entre plusieurs genres et parvient à les combiner avec une surprenante fluidité. Le thriller est bien présent et se tend au fur et mesure de l'intrigue. On prend peur pour l'héroïne, fragile et déterminée, incarnée puissamment par la prometteuse Jennifer Lawrence. La réalisatrice a fait le pari audacieux de ne pas tout révéler et de laisser au spectateur le soin de déduire lui même les faits. Et elle ose ne jamais montrer le père qui devient une figure à la fois abstraite et omniprésente. 

Polar social atypique représentant le meilleur du cinéma indépendant américain, Winter's bone est une excellente surprise qui se termine sur une jolie note de banjo. Le père se retrouve alors au milieu des siens par l'intermédiaire de l'instrument de musique. Délivrance est définitivement loin de nous et des personnages. Une belle note mélancolique qui ponctue ce film dur à la tendresse cachée.

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez M6 Vidéo.

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