mardi 19 octobre 2010

The Social Network

Un jeune homme discute avec sa copine. La conversation devient très vite un ping-pong verbal où les arguments des deux camps s'affrontent. La copine finit par le quitter. Le jeune homme décide alors de se venger en publiant des informations privées sur le site internet de son campus. Voilà comment a débuté la création du plus grand réseau social en activité, Facebook. 

Le jeune homme en question, un "nerd" comme le dit sa copine, est Mark Zuckerberg. L'homme qui pèse aujourd'hui plus de six milliards de dollars devient l'inattendu anti-héros du huitième long métrage de David Fincher. Avec l'aide du scénariste Aaron Sorkin à qui l'on doit la série A la Maison Blanche, il prouve une nouvelle fois ce que le cinéma américain peut produire de mieux, à savoir l'association parfaite entre deux grands artistes aussi talentueux dans leur spécialité au service d'une histoire foisonnante et romanesque. 

Car The Social Network est un film passionnant. Fincher et Sorkin ont eu l'intelligence de construire l'intrigue en flashback où l'on découvre la gestation de Facebook à travers les témoignages des anciens camarades de Zuckerberg qui lui intentèrent un procès. Bien que le long métrage soit basé sur une enquête solidement documentée de Ben Mezrich "The Accidental Billionaires", l'histoire vraie importe finalement peu, Fincher réussissant l'exploit, grâce à une réalisation d'une précision d'orfèvre et des dialogues brillants, à nous faire comprendre les codes d'un monde qui nous est étranger. Chaque séquence serait à étudier tant l'art de la mise en scène et du montage se combinent de manière admirable. Le cinéaste ne relâche jamais la tension qui monte crescendo au fur et à mesure que l'histoire apporte son lots de trahisons et de coups bas. Les jeunes interprètent n'y sont pas étrangers et le débit robotique de Jesse Eisenberg fascine autant que la fausse décontraction branchée de Justin Timberlake irrite. 

Justin Timberlake et Jesse Eisenberg

A un seul moment toutefois, Fincher se permet un vrai tour de force, une course d'avirons qui est déjà un morceau d'anthologie. Ce moment détaché du film, comme une pause au milieu des joutes oratoires, est, par sa virtuosité visuelle et sa musique électrisante, digne de Stanley Kubrick

En glissant sa caméra dans les couloirs d'Harvard, filmant la jeunesse dorée américaine dans sa tranquillité feinte, le réalisateur décrit un monde en train de s'éteindre et un autre en train de naître. Le poids des institutions et des traditions se voit brutalement ringardisé par le génie de Zuckerberg. Ni une charge au vitriol ni une dithyrambe, le film s'attache à montrer un garçon en marge, blessé de ne pas être accepté parmi l'élite et incapable de la moindre relation humaine. Un être peu aimable à l'image d'une success story qui n'a rien de glorieuse. Et même si Fincher ne pointe pas les dangers de sa créature, il arrive à donner une vraie dimension à son créateur. La dernière image, amère, pathétique, le montrant seul face à son écran d'ordinateur, à la recherche d'un ami malgré ses cinq cent millions virtuels, est le symbole de notre époque, confuse et inconséquente.

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. Voilà typiquement ce pourquoi j'adore ce blog et son auteur.
    Aujourd'hui, j'ai été obligé de rouvrir mon dictionnaire...
    Merci !
    --
    Steady as she goes!

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