mercredi 6 janvier 2016

Les Huit Salopards


Quentin Tarantino est un grand cinéaste, nul le conteste. Il est parvenu à élever le culture pop au rang d'art suprême et a su mieux que personne se réapproprier les milliers de films ingurgités pour délivrer des œuvres uniques et éminemment personnelles. Django Unchained, son western décomplexé sur l'esclavage, en était la démonstration le plus éclatante. Mais le bonhomme à l'égo très développé ne fait confiance qu'à lui-même. Brillant auteur de ses scripts jusqu'alors, le cinéaste s'est cru une fois encore capable de soulever des montagnes et remettre à nouveau le western en majesté. Mais ces 8 Salopards sent bien l'erreur d'aiguillage, un coup manqué dans sa riche filmographie qui pourrait laisser des traces. 

Le film se déroule quelques années après la fin de la Guerre de Sécession. En plein hiver, une diligence fonce à travers la campagne du Wyoming. A son bord, le chasseur de primes John Ruth (Kurt Russell), se rend dans la petite ville de Red Rock pour livrer à la justice la femme qu'il a capturée, Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh). En chemin, il croise la route du commandant Marquis Warren (Samuel L. Jackson) et Chris Mannix (Walter Goggins). Pris dans une tempête de neige, ils trouvent refuge dans la mercerie de Minnie où les attendent quatre inconnus. 

Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh et Tim Roth
 
Les Huit Salopards est (encore !) découpé en chapitres, une des marques de fabrique du cinéaste, et reprend la même structure en huis-clos que Reservoir Dogs. C'est dire si l'on se trouve en terrain connu. Pourtant, pour la première fois, Tarantino a fait appel à un compositeur de légende pour la bande originale, Monsieur Ennio Morricone, et son humour coutumier est mis cette fois en sourdine. En revanche, les bavardages n'ont jamais autant pullulé que dans ce huitième long métrage. Mais son art du dialogue qui s'était un peu émoussé depuis Pulp Fiction devient ici plombant. La première partie est à ce titre interminable et terriblement statique malgré l'usage du 70 mm anamorphique qui permet à l'image de s'étendre à l'infini. Alors que ce format, inusité depuis des décennies, avait fait la réputation de films à grand spectacle comme Lawrence d'Arabie ou Ben-Hur, Tarantino en a pris le contre-pied en le choisissant pour un décor unique et quasi-théâtral. Une décision curieuse qui séduit au départ, notamment grâce à la belle photographique de son complice Robert Richardson, mais qui trouve rapidement ses limites. 

Samuel L. Jackson

Tarantino est un fou de cinéma, il vénère la pellicule comme personne et sa mise en scène s'en ressent. Sauf qu'il n'a plus grand chose de neuf à raconter si ce n'est de s'autoplagier lui-même. Malgré une deuxième partie plus enlevée, le film ne décolle jamais vraiment, terriblement handicapé par sa longueur (2h47 !) injustifiable. Le cinéaste aurait certainement besoin d'un producteur digne de ce nom qui ose lui dire qu'il se fourvoie en "s'écoutant" filmer de la sorte. Les personnages n'y gagnent rien, certains paraissant même étonnamment sous exploités (Tim Roth et Michael Madsen), et le spectateur, lui, voit le temps s'égrener sans que le plaisir jouissif des Tarantinades ne coule dans ses veines. 

La violence, enfin, complaisante et (trop) attendue, vient achever l'ensemble. Tarantino dépeint des êtres sans foi ni loi, de véritables salopards en effet. Mais, à l'instar de ses protagonistes, la façon dont le réalisateur semble prendre plaisir à s'acharner sur la pauvre Jennifer Jason Leigh nous met quelque peu en colère. Le film devient alors non seulement vain mais assez rebutant. Autant la violence dans Django était cruellement nécessaire, autant elle est cette fois comme le symbole du manque flagrant d'inspiration du cinéaste qui devrait se remettre en question. Il a déclaré récemment qu'il ne réaliserait que dix longs métrages. Plus que deux pour redresser la barre. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h47
Réalisation et Scénario : Quentin Tarantino
Avec : Samuel L. Jackson (Marquis Warren), Kurt Russell (John Ruth), Jennifer Jason Leigh (Daisy Domergue), Walter Goggins (Chris Mannix).  

Disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéo.

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