mardi 11 mars 2014

Dans l'ombre de Mary - La promesse de Walt Disney


On pouvait légitiment craindre le pire : la création de Mary Poppins, joyau de l'industrie Disney, filmée par un tâcheron hollywoodien au service de Mickey et de sa propagande bon enfant. C'est un résumé un peu caricatural mais le risque était réel. Et pourtant, Dans l'ombre de Mary est l'une des meilleures surprises de ce début d'année, où le charme de l'enfance le dispute aux névroses des adultes à travers la relation ambivalente entre l'auteur du roman d'origine, P.L. Travers, et Walt Disney. 

Pour camper ces deux personnages aux antipodes l'un de l'autre, le réalisateur John Lee Hancock (brillant scénariste d'Eastwood) et son équipe ont eu la bonne idée de confier les rôles à Emma Thompson et Tom Hanks. La première, psychorigide et désagréable, est formidable et finit par apporter à Travers une attendrissante touche d'humanité. Le second se glisse avec un plaisir manifeste dans le costume du célèbre créateur. Si la part sombre du personnage est délibérément mise de côté, le comédien n'en fait pas pour autant un Mr Nice Guy, marquant au contraire le pouvoir empirique de Disney. 

Tom Hanks et Emma Thompson

Dans une bonne partie du métrage, les deux protagonistes s'affrontent au sujet de l’adaptation de Mary Poppins sur grand écran. Inflexible, Travers ne veut pas voir son roman se transformer en puérile bluette. L'une des idées ingénieuses des scénaristes est alors de sans cesse contrebalancer l'éventuelle miévrerie propre à l'univers Disney par la froideur de Travers dont on suit l'histoire à travers son point de vue. L'autopromotion tant redoutée de Mickey est donc habilement déjouée et renforcée par la critique en coin du mercantilisme de la firme aux grandes oreilles.

Colin Farrell

Le film nous en apprend aussi sur la genèse du roman et les répercussions de l'enfance de Travers sur l'histoire de Mary Poppins. Le scénario fait régulièrement intervenir des flash-backs nous ramenant au début du siècle en Australie où le père de Travers (joué par un très bon Colin Farrell) était un doux rêveur incapable de faire nourrir sa famille. Ce père, qui ne peut pas vivre dans ce monde-là, au risque d'abandonner les siens, est une poignante allégorie du personnage de Mr Banks dans Mary Poppins. Le titre original, Saving Mr Banks, est d'ailleurs nettement plus éloquent car il évoque directement le sujet central du film, à savoir l'hommage d'une fille à son père disparu.

Enfin, comment ne pas être enchanté de se retrouver devant le making of de l'un des films les plus célèbres de l'histoire du cinéma. On a tous, vu, enfant, Mary Poppins, et réentendre ces mémorables mélodies fait un léger pincement au cœur. De plus, le réalisateur montre très bien les nombreuses séances de travail et la création parfois iconoclaste des chansons. Une délectable visite de l'usine à rêves qui a aussi ses revers. Car si Travers accepte  de faire confiance à Walt Disney, elle se sentira peu à peu dépossédée de son œuvre qui finira par lui échapper. Un soupçon d'amertume dans un univers si sucré, voilà une promesse parfaitement tenue.

Antoine Jullien

Etats-Unis / Angleterre / Australie - 2h05
Réalisation : John Lee Hancock - Scénario : Kelly Marcel et Sue Smith 
Avec : Emma Thompson (P.L. Travers), Tom Hanks (Walt Disney), Colin Farrell (Travers Goff), Paul Giamatti (Ralph), Jason Schwartzman.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Walt Disney Vidéo.

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