Alors que la carrière de David O. Russell était au point mort, le bonhomme est devenu, en l'espace de quelques films (Fighter, Happiness Therapy), la nouvelle coqueluche d'Hollywood, enchaînant les succès et les nominations aux Oscars. Pas moins de dix distinctions à la prestigieuse cérémonie viennent couronner son dernier né, American Bluff, qui s'inspire très librement de l'affaire Abscam, une opération qui a vu le jour à la fin des années 70 dans laquelle des escrocs se sont alliés au FBI pour déterminer l'identité d'hommes politiques aux agissements douteux.
A l'image de ses protagonistes, David O. Russell aime se complaire dans l'imposture. Car American Bluff a tout d'un film de Martin Scorsese : personnages haut en couleur, style vintage, narration en voix-off, musique seventies. A cela s'ajoute une réalisation parodiant la quintessence du style scorsesien, à coup de travellings vibrionnants et d'arrêts sur image. Et pourtant, on a bien affaire à de l'imitation, partiellement revendiquée par le cinéaste. Il pousse le plagiat jusqu'à confier le rôle d'un mafieux, patron de casinos, à... Robert de Niro qui fait une brève et savoureuse apparition. Mais l'élégance de la mise en scène de David O. Russell est un peu vaine car l'intrigue qu'elle sert ne repose sur rien de consistant. Une histoire d'arnaque comme on en a vu des centaines, avec ses rebondissements habituels et ses péripéties convenues. Surtout, il manque au cinéaste la puissance dramatique de son modèle pour nous emballer.
Christian Bale, Amy Adams et Bradley Cooper
Pour sa défense, le réalisateur prétend ne pas s'intéresser au scénario mais aux personnages. A ce titre, ses comédiens ont été particulièrement gâtés, portant toute une panoplie de postiches et vêtements excentriques. Il est difficile en effet de reconnaître Christian Bale sous sa chevelure dégarnie et ses vingt kilos supplémentaires. Mais les acteurs ne font qu'un numéro, sympathique mais trop bien rodé. Les actrices, en revanche, tirent leur épingle du jeu, à commencer par Amy Adams qui confirme son statut de futur grande et Jennifer Lawrence, épatante en épouse immature et caractérielle. Leurs histoires de coeur et d'argent nous captivent un temps avant de nous désintéresser, faute d'enjeux à la hauteur et d'un montage inutilement étiré (le film aurait pu être coupé d'une demi-heure). David O. Russell prouve une fois encore qu'il n'arrive pas à dépasser l'enluminure, certes plaisante à regarder, mais dépourvue de personnalité. En somme, un joueur malin qui n'aura pas réussi à nous flouer.
Antoine Jullien
Etats-Unis - 2h18
Réalisation : David O. Russell - Scénario : Eric Warren Singer et David O. Russell
Avec : Christian Bale (Irving Rosenfeld), Bradley Cooper (Richie DiMaso), Amy Adams (Sydney Prosser), Jeremy Renner (Carmine Polito), Jennifer Lawrence (Rosalyn Rosenfeld).
Disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Video.
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