mercredi 16 mai 2012

Dark Shadows


Que peut-il arriver à un cinéaste qui est soudain prisonnier de son univers ? Se répéter, inlassablement. Depuis quelques films, Tim Burton est devenu victime de ce syndrome comme d'autres éminents cinéastes avant lui. Lorsque l'on possède un style aussi identifiable, le piège est de le laisser peu à peu se banaliser au point de devenir une simple marque de fabrique. En adaptant une série télé à succès après avoir porté à l'écran plusieurs célèbres livres pour enfants, Tim Burton semble avoir transformé son univers si singulier en une boutique de luxe. Clinquante à l'extérieur mais creuse à l'intérieur. 

En 1752, Joshua et Naomi Collins quittent l'Angleterre et viennent s'installer en Amérique avec leur fils Barnabas. Après la mort tragique de ses parents, celui-ci mène une vie de séducteur invétéré jusqu'à ce qu'il commette la grave erreur de briser le coeur d'Angélique Bouchard, une sorcière qui lui jette un sort bien plus maléfique que la mort : celui d'être transformé en vampire et enterré vivant. Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance et débarque en 1972 dans un monde totalement chamboulé... 

Johnny Depp

Entre les mains de Tim Burton, Johnny Depp a l'habitude de se muer en une étrange créature aux prises avec les fantasmes les plus excentriques du cinéaste. Après avoir incarné des êtres hybrides et souvent asexués, l'acteur campe un personnage à la fois comique et inquiétant, à l'image du ton voulu par le réalisateur. Tim Burton a toujours aimé mélanger l'humour noir au gore le plus sanglant et à ce titre le vampire semblait un protagoniste tout trouvé. Mais le réalisateur ne lui donne pas suffisamment de chair et Johnny Depp est contraint par le maquillage et le costume à n'être que le fantôme de Barnabas Collins.

Tim Burton et Johnny Depp

La galerie des personnages qu'il entoure en est réduite à de la figuration et ce n'est pas le retour (manqué) de Michelle Pfeiffer ni le bref caméo de Christopher Lee qui viennent changer la donne. Seule Eva Green, en méchante sorcière, arrive à exister face à Depp mais son interprétation tombe le plus souvent dans la caricature. Le duel auquel elle se livre avec Barnabas est répétitif et Tim Burton ne pousse pas assez l'étrangeté de leurs rapports de dominant à dominé. Le cinéaste tombe dans le déjà-vu,  ne réussissant pas à insuffler de bizarrerie à son intrigue et finit par crouler sous les dorures de l'exercice de style. 

L'élégance de la mise en scène et quelques idées visuelles, comme celle de transformer le corps d'Eva Green en porcelaine, nous rappelle par intermittence que l'on est bien devant un film de Tim Burton. Mais le cinéaste devrait sans doute s'interroger sur la suite qu'il veut donner à sa carrière et ne plus tomber dans cette imagerie gothique qui en vient à parodier son univers. Si la déception vous gagne à la sortie de la salle, alors précipitez-vous à l'exposition que la Cinémathèque française lui consacre, histoire de savourer et d'admirer l'oeuvre d'un artiste que l'on a tant aimé. 

Antoine Jullien

1 commentaire:

  1. Ouf, quelqu'un qui est du même avis que moi !
    J'avais énormément fantasmé sur le film après avoir vu la bande annonce, et j'ai été déçue déçue déçue...
    Je suis d'accord, c'est creux au possible, et les personnages ne sont que des silhouettes en carton pâte... Dommage !

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