Le festival de Cannes est un
monde en vase-clos, qui, pendant dix jours, voit une quantité de
films, fait des affaires, va aux nombreuses soirées courues ou
encore admire les stars qu'on a la (rare) chance d'apercevoir. Pour
chaque festivalier, c'est un rythme éprouvant qui s'installe où les
heures de sommeil se comptent sur les doigts d'une main et les
assoupissements durant les projections quasi inévitables. Le
marathon s'achève dans deux jours mais on peut d'ores et déjà
faire une première constatation : Cannes 2012 ne sera pas un grand
cru, avec son lot d'immenses déceptions (dont un certain Cosmopolis dont nous reparlons très prochainement). Les rares grands moments de cinéma étaient donc
particulièrement appréciés.
Holy Motors © Camille de Chenay
Le grand moment en question est venu
d'un ressuscité du cinéma, en la personne de Leos Carax. Le
réalisateur maudit, que plus personne ne voulait produire, nous
revient avec Holy Motors. Treize ans après l'accueil glacial
subit par Pola X sur la Croisette, le cinéaste semble avoir
retrouvé les faveurs de la critique, divisée certes, mais qui a
dans l'ensemble réservé un bel accueil au film. L'histoire ? Elle
est inracontable mais on peut tout de même révéler que l'on
assiste à la métamorphose de l'extraordinaire Denis Lavant en une
dizaine de personnages, qui ont chacun un rendez-vous à honorer,
quelque part dans Paris. Le mystérieux bonhomme qui se transforme
tout au long du film est un dénommé monsieur Oscar, et réalise ses
transformations à l'intérieur d'une berline conduite par Edith
Scob.
Leos Carax nous oblige à perdre tous nos repères de spectateur et à se laisser embarquer dans son voyage halluciné et poétique. Armé d'une liberté folle, le cinéaste ne recule devant aucun obstacle et amène Denis Lavant à relever des défis impérieux. Le comédien, qui mériterait un prix d'interprétation, est en totale adéquation avec l'univers unique de Carax en lui conférant une étrangeté supplémentaire. Autour de lui apparaissent des figures hétéroclites, de Kylie Minogue lors d'une superbe séquence à l'intérieur de la Samaritaine désaffectée à Eva Mendes en mannequin voilé en passant par la courte apparition de Michel Piccoli. Ils accompagnent chacun Oscar dans ses différentes missions, tour à tour surréalistes et effrayantes, saugrenues et pathétiques. Leos Carax véhicule son plaisir du jeu à travers le déguisement et donne à son film une portée ludique, à l'image de la dernière séquence où il fait parler des limousines dans un garage. Il est rare de voir un cinéaste livrer une oeuvre aussi radicale dans sa ambition sans qu'à seul instant on ne ressente un effet de style, malgré quelques références à l'actualité un peu appuyées. Une oeuvre somme, pleine et entière, qui redonne confiance dans le pouvoir de fascination du cinéma. Nanni Moretti et son jury ne peuvent pas passer à côté d'un tel objet filmique.
Leos Carax nous oblige à perdre tous nos repères de spectateur et à se laisser embarquer dans son voyage halluciné et poétique. Armé d'une liberté folle, le cinéaste ne recule devant aucun obstacle et amène Denis Lavant à relever des défis impérieux. Le comédien, qui mériterait un prix d'interprétation, est en totale adéquation avec l'univers unique de Carax en lui conférant une étrangeté supplémentaire. Autour de lui apparaissent des figures hétéroclites, de Kylie Minogue lors d'une superbe séquence à l'intérieur de la Samaritaine désaffectée à Eva Mendes en mannequin voilé en passant par la courte apparition de Michel Piccoli. Ils accompagnent chacun Oscar dans ses différentes missions, tour à tour surréalistes et effrayantes, saugrenues et pathétiques. Leos Carax véhicule son plaisir du jeu à travers le déguisement et donne à son film une portée ludique, à l'image de la dernière séquence où il fait parler des limousines dans un garage. Il est rare de voir un cinéaste livrer une oeuvre aussi radicale dans sa ambition sans qu'à seul instant on ne ressente un effet de style, malgré quelques références à l'actualité un peu appuyées. Une oeuvre somme, pleine et entière, qui redonne confiance dans le pouvoir de fascination du cinéma. Nanni Moretti et son jury ne peuvent pas passer à côté d'un tel objet filmique.
Post Tenebras Lux © Le Pacte
L'imposture intellectuelle est en
réalité venue du mexicain Carlos Reygadas qui nous a infligé son
nouveau pensum au titre équivoque : Post Tenebras Lux.
L'intrigue ? Inutile de perdre son temps avec ce vilain mot, le
réalisateur n'en a cure et nous assène un film sans queue ni tête,
interminable, aussi prétentieux dans sa forme que désespéremment
vide dans son propos. Le film s'est fait copieusement siffler en
projection officielle, ce qui a du faire plaisir au réalisateur. On
ne peut pourtant pas tolérer de voir une telle imposture figurer au
sommet du cinéma mondial. Après Kiarostami, une nouvelle abérration
dans la compétition officielle.
Paperboy © Metropolitan Filmexport
Peut-on tout pardonner à un film dès
lors que l'on admire sa comédienne ? Le retour de Nicole Kidman
était attendu, et il n'a pas déçu tant sa prestation dans l'inégal
Paperboy distille ce mélange de trouble et de séduction
que l'actrice affectionne tant. Elle campe ici une sorte de bimbo
éprise d'un prisonnier dont elle veut prouver l'innocence. Pour se
faire, elle est aidée par deux journalistes (Mathew MacConaughey et
Zac Ephron) qui vont devoir mettre à jour les failles du dossier.
Sauf que Lee Daniels, le réalisateur de Precious, ne
s'intéresse pas vraiment à l'intrigue policière qu'il relègue
rapidement au second plan afin de dépeindre une galerie de
personnages ambigus et violents, au coeur de l'Amérique des années
60. Les tensions raciales parcourent tout le film à l'instar du
décor poisseux de la Louisiane qui colle au personnages comme leurs
chemises trempées de sueur. Une atmosphère plutôt séduisante
gâchée par des effets de style trop appuyés qui amoindrissent
l'impact du film. En adaptant le roman de Peter Dexter, Lee Daniels a voulu
rendre a l'écran une forte tension sexuelle incarnée par le
personnage de Kidman. La comédienne, qui n'a décidément peur de
rien, est à plusieurs reprises confrontée à des séquences, qui,
sans son talent, auraient sombré dans le ridicule. L'actrice relève
le défi mais on se demande si le jeu en valait la chandelle tant le
réalisateur a du mal à trouver une cohérence à l'ensemble.
Io e Te
L'an passé, le festival rendait un
hommage à Bernardo Bertolucci en lui remettant la Palme des palmes
pour l'ensemble de sa carrière. Carrière, qui, malgré ses
problèmes de santé, n'a pas altérer son envie du cinéaste.
Présenté hors compétition, Io e Te est le portrait d'un
adolescent renfermé qui ne veut pas partir au sport d'hiver,
préférant se réfugier durant une semaine dans la cave de
l'immeuble de ses parents. Là, il doit héberger sa demi-soeur avec
laquelle il entretient des relations orageuses. Il est toujours un
peu triste d'assister au lent déclin artistique d'un cinéaste qui a
été l'auteur du Dernier tango à Paris et du Conformiste.
Depuis des années, ses films tombent dans l'académisme et
celui-ci ne viendra malheureusement pas rehausser l'édifice. Sa
direction d'acteurs est heureusement intacte et les deux jeunes
comédiens sont tous deux très attachants. Mais ils n'arrivent pas à
élever le film au delà de la simple anecdote, pas désagréable,
mais que l'on oubliera vite.
Miss Lovely
Les organisateurs du festival ont parlé
d'une nouvelle vague indienne pour cette nouvelle édition, et nous
avons voulu vérifier cette tendance en découvrant deux long
métrages, l'un présenté à la Semaine de la Critique et l'autre à
Un Certain Regard. A la vision de ces deux films, force est de
constater qu'il s'agit encore d'une vaguelette. Dans le premier,
Peddlers, le réalisateur Vasan Bala nous raconte deux histoires en parallèle
au coeur de Bombay, l'une sur un policier impuissant et l'autre sur
un réseau de prostitution. On se demande bien pourquoi le cinéaste
à voulu juxtaposer ces deux intrigues qui ne se répondent jamais
mais on est encore plus frappé par l'incohérence totale du montage,
qui passe d'une scène à une autre en l'absence de toute logique
narrative. Si le réalisateur fait preuve par moments d'une belle
énergie dans sa mise en scène, il tombe trop souvent dans la
violence gratuite.
Le second film, Miss Lovely, nous a encore moins convaincu, plombé par un scénario abscons qui a comme cadre le monde de la série Z d'horreur érotique mêlé à la rivalité entre deux frères. Le réalisateur Ashim Ahluwalia n'en fait pas grand chose et nous assène une purge d'un mortel ennui. La nouvelle vague attendra donc.
Le second film, Miss Lovely, nous a encore moins convaincu, plombé par un scénario abscons qui a comme cadre le monde de la série Z d'horreur érotique mêlé à la rivalité entre deux frères. Le réalisateur Ashim Ahluwalia n'en fait pas grand chose et nous assène une purge d'un mortel ennui. La nouvelle vague attendra donc.
Tableau des critiques au 25 mai
A deux jours du palmarès, l'habituel
jeu des pronostics monte en puissance. Deux longs métrages semblent
se dégager pour glaner la Palme d'or : Amour de Michael Haneke
et De rouille et d'os de Jacques Audiard. Le réalisateur
français avait perdu son duel il y a trois ans face au cinéaste
autrichien, Isabelle Huppert et son jury ayant préférer accorder la
récompense suprême au Ruban Blanc plutôt
qu'à Un Prophète. L'inverse pourrait cette fois se
produire à moins qu'un autre cinéaste ne vienne troubler le jeu. Verdict dimanche soir.
Antoine Jullien
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