Après que Moonrise Kingdom et De rouille et d'os aient ouvert les hostilités, le festival de Cannes bat dorénavant son plein... sous la pluie ! Des trombes d'eau se sont mises à submerger la Croisette, mettant à rude épreuve la patience des festivaliers. Mais tous les regards se portent sur les films en compétition dont on a déjà pu découvrir le premier moment fort.
Amour © Les films du Losange
Amour est le nouveau long métrage de Michael Haneke, trois ans après sa Palme d'or glanée pour le Ruban blanc. Le cinéaste autrichien a réussi l'exploit de faire sortir de sa retraite l'immense Jean-Louis Trintignant. Au côté d'Emmanuelle Riva, le comédien campe un vieil homme qui voit sa femme perdre peu à peu ses facultés physiques et mentales. Le cinéaste situe son récit en huis-clos, ne sortant jamais de l'appartement qui nous est présenté dès les premières images comme un tombeau. La mort est le sujet prégnant et essentiel de ce film qui vous hante durablement. Par l'extrême précision de sa mise en scène, Haneke nous montre le lent crépuscule de deux êtres unis par un amour qui va au-delà de toutes les démonstrations. On connaissait le penchant rigoriste du cinéaste et la distance qu'il aime afficher vis-à-vis de ses personnages. Grâce à la stupéfiante interprétation d'Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, qui ont avoué avoir souffert de l'exigence apportée par le réalisateur sur sa direction d'acteurs, Amour est une oeuvre poignante et éprouvante sur l'agonie d'une femme autant que sur celle d'un couple qui trouvera dans la mort une magnifique porte de sortie. Haneke signe un nouveau film majeur qui devrait faire parler de lui au palmarès.
Des hommes sans loi © Metropolitan Filmexport
On ne peut malheureusement pas en dire autant de Lawless - Les hommes sans loi, le long métrage de John Hillcoat ayant pour cadre la prohibition. Le film relate l'histoire vraie de trois frères, trafiquants d'alcool, qui doivent faire face à une police corrompue, une justice arbitraire et des gangsters rivaux. On se demande bien pourquoi Thierry Frémeaux a choisi ce film en compétition tant il croule sous l'académisme malgré la présence de Nick Cave au scénario. Plombé par tous les archétypes, le film devient vite extrêmement prévisible et n'est jamais sauvé par une mise en scène inspirée ni par des aléas de montage qui sacrifient purement et simplement certains personnages dont le gangster joué par Gary Oldman. La direction d'acteurs, inégale (Guy Pearce est médiocre en caricature de méchant), n'arrange rien et l'on se désintéresse vite de cette histoire qui manque terriblement d'âme. Un coup pour rien.
Laurence Anyways © MK2
Du côté de la sélection Un Certain Regard, toutes les attentions étaient portées sur Laurence Anyways de Xavier Dolan que l'on attendait en compétition. Vexé, le cinéaste a bien dû affronter ce déshonneur et présenter son troisième long métrage à seulement 22 ans. Et lorsque l'on découvre Laurence Anyways, on ne peut s'empêcher d'être saisi devant la maturité et le talent d'un cinéaste aussi juvénile. S'il n'est plus cette fois devant la caméra, le jeune homme monopolise encore tous les postes : réalisateur, scénariste, monteur, créateur de costumes... Là est la faiblesse du film, dans son trop plein et sa gourmandise qui ne justifient pas les 2h40 de projection. Mais en racontant la transformation de Melvil Poupaud en femme, Xavier Dolan convoque plusieurs genres et enchaîne les morceaux de bravoure qui témoignent d'influences diverses et d'un savant collage visuel pop devenu maintenant une signature. Au lieu de parler de transexualité, le réalisateur préfère filmer un être qui bouleverse son histoire d'amour par quête d'identité. Une oeuvre forte, aux afféteries agaçantes, mais qui recèle de précieux instants de cinéma.
Antiviral
Toujours à Un certain Regard, on a pu découvrir Antiviral, le premier (et on espère le dernier !) film de Brandon Cronenberg, fils du célèbre cinéaste qui présentera Cosmopolis en compétition. Le rejeton a eu la malheureuse idée de vouloir marcher sur les plates bandes de son père en réalisant un film fantastique mâtiné de mutations organiques. Là, le résultat, aussi inintéressant que prétentieux, recycle tous les poncifs du genre, et dénué de toute personnalité. Complaisant et gratuit, le film n'est jamais crédible dans ce qu'il veut nous raconter. On conseillerait presque à Brandon de revenir à ses chères études car réalisateur, il ne l'est pas encore tout à fait.
Confession d'un enfant du siècle © Ad Vitam
On a pu aussi contempler l'adaptation du roman de Musset Confession d'un enfant du siècle par la réalisatrice Sylvie Verheyde. On retrouve au casting le chanteur Pete Doherty dans c'est le premier rôle à l'écran et Charlotte Gainsbourg. Dans une esthétique qui rappelle les films de Sofia Coppola, la réalisatrice met la question de l'amour au centre d'un jeu cruel auquel se livre les deux protagonistes. Un peu long, le film finit par séduire grâce au dandysme de Pete Doherty et la recréation d'une époque évaporée aux prises avec les affres de son temps.
Antoine Jullien
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