Si Martin Scorsese avait donné l'impression ces dernières années de s'être fait engloutir par le système (voir la critique de Shutter Island), Hugo Cabret vient lui apporter un sérieux démenti. Les critiques étaient cependant légitimes à voir le réalisateur de Casino entreprendre un film pour enfants. En adaptant le roman de Brian Selznick, Scorsese n'a pas seulement livré un conte rondement mené, il a fait sa plus belle déclaration d'amour au cinéma dont il n'a eu de cesse, hier et aujourd'hui encore, d'en dénicher les pépites et restaurer les chefs d'oeuvres oubliés.
Dans le Paris des années 30, le jeune Hugo est un orphelin de douze ans qui vit dans une gare. De son père mort quelques temps plus tôt, il ne lui reste plus qu'un étrange automate dont il cherche la clé qui pourrait le faire fonctionner. En rencontrant Isabelle et le mystérieux Papa Georges, il va en percer le secret...
Ben Kingsley et Asa Butterfield
La 3D semblait à bout de souffle au coeur du blockbuster hollywoodien, incapable de prolonger le choc visuel que fut Avatar. Scorsese l'a utilisé non pas en grand connaisseur technique à la James Cameron (qui a d'ailleurs vanté publiquement les qualités du film) mais en découvreur qui a su trouver l'adéquation formelle idéale avec le cinéma de Georges Méliès. Car c'est bien de ce grand inventeur qu'il est avant tout question sous les traits d'un Ben Kingsley triste et désabusé qui, après avoir connu la gloire, connaîtra la ruine et, le pire pour un cinéaste, l'oubli.
L'hommage est bouleversant et atteint une dimension émotionnelle qu'on ne soupçonnait pas. Quand Hugo et Isabelle rentrent dans la chambre de Méliès et font tomber par mégarde sa valise remplie des dessins de tous ses films, l'histoire du cinématographe vole au-dessus de notre tête dans un merveilleux tourbillon d'images féériques. La scène, d'une beauté renversante, est aussi d'une cruauté terrible car elle signifie la mort artistique d'un homme pour qui le cinéma était toute sa vie. Un jumeau de Scorsese en somme qui a trouvé en Méliès un père de substitution.
Le spectacle est là, à l'écran, se déployant avec une maestria et une grâce inouïes. La caméra virevolte dans les recoins de la gare Montparnasse jusqu'aux toits enneigés d'un Paris fantasmé par un Scorsese qui se met toujours à hauteur d'enfant. Hugo, c'est aussi lui gamin qui a compensé ses problèmes de santé par l'évasion dans le septième art. Très inspiré, le réalisateur manie son récit avec une grande fluidité, accordant de l'importance à chaque personnage, du jeune Asa Butterfield qui apporte une vraie étrangeté à Hugo en passant par Sacha Baron Cohen en policier borné sans oublier la touchante Frances de la Tour qui interprète la femme de Méliès et qui fut, à l'époque, l'une de ses principales comédiennes.
Car Scorsese nous rappelle également les grandes étapes de la vie de Georges Méliès (s'éloignant parfois de la réalité historique), récréant même les tournages de ses films dans son studio de Montreuil. Petits et grands, cinéphiles ou néophytes, l'âme de l'enfance qui a tant porté le réalisateur du Voyage dans La Lune (voir l'interview de Serge Bromberg) devrait envahir votre coeur de spectateur. En signant l'une de ses oeuvres les plus personnelles, Martin Scorsese nous dit magnifiquement à quel point les faiseurs de rêve et les artisans de l'imaginaire sont importants dans nos vies et pourquoi ils nous font tant aimer le cinéma. Impossible de passer à côté d'un tel hommage.
Antoine Jullien
Retrouvez les photos du tournage d'Hugo Cabret ICI.
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Film exceptionnel
RépondreSupprimerA voir absolument!!!
Petite erreur dans la critique : c'est Helen McCrory qui interprète la femme de Mélies. Frances de la Tour incarne la dame avec le chien.
RépondreSupprimerMea culpa !
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