mercredi 7 décembre 2011

Dernière séance


Laurent Achard s'est vu proposer la réalisation d'un long métrage s'inscrivant dans la programmation French Frayeur de Canal Plus, soit des films d'horreur à petit budget et dans un temps de tournage limité. Malgré plusieurs tentatives ces dernières années, le genre reste moribond en France. Achard a choisi d'en reprendre certains codes afin d'évoquer sa passion du cinéma. Une démarche authentique, personnelle mais inaboutie. 

Un jeune homme, Sylvain, a dédié sa vie à un cinéma de quartier condamné à disparaître. Il habite au sous-sol de la salle dont il est à la fois le programmateur, projectionniste et caissier. Chaque nuit, après la dernière séance, il sort pour un rituel meurtrier... 

On se croirait dans un temps suspendu. Ce cinéma de province filmé par Laurent Achard semble être perdu dans un espace-temps irréel où l'on projette French Cancan de Renoir la veille et Last Days de Gus Van Sant le lendemain. Une approche intéressante car elle ne contextualise rien et permet au réalisateur de dérouler son récit sans les contraintes de la vraisemblance. Ainsi, ce projectionniste tueur n'est jamais inquiété par la police ni par les témoins de ses crimes. Une situation hautement improbable que Laurent Achard prend comme un atout. Il en résulte une atmosphère vaguement angoissante, typique du cinéma italien des années 60-70, celui de l'âge d'or des giallo de Dario Argento et Mario Bava. 

Pascal Cervo

Le cinéaste en reprend d'ailleurs certains archétypes, comme celui de montrer un tueur à l'arme blanche et un trauma familial qui pourrait expliquer la pathologie de l'assassin. Les meurtres sont la plupart filmés hors champ, le cinéaste se concentrant rigoureusement sur son personnage qu'il ne quitte pas des yeux, l'isolant à plusieurs reprises dans des décors aux teintes expressionnistes. La démarche gauche et le timbre de voix mal assuré de l'acteur Pascal Cervo apporte à Sylvain une maladresse sympathique qui en ferait presque oublier la violence de ces forfaits. Avant que son regard perturbant nous ramène très vite à la vraie nature du jeune homme. 

Malgré tout, la distanciation avec le réel pose des problèmes de crédibilité et l'on ne croit pas toujours à ce que l'on voit à l'écran. Les flashbacks sur la mère castratrice ne sont guère plus convaincants et alourdissent considérablement la portée du film de même que ces références trop appuyées aux longs métrages que le jeune homme admire. Quant aux oreilles de ses victimes accrochées aux photos de vedettes de cinéma, elles ne font que ridiculiser le personnage. 

Mais la mort du cinéma reste la métaphore la plus prégnante du métrage. Une vision mortifère où la salle devient le tombeau de tous les fantasmes cinéphiliques, l'expression des pulsions les plus refoulées. Si la force et la magie du septième art se manifestent à travers des extraits de French Cancan et Femmes de Paul Vecchiali, la dernière séquence tend vers la facilité morbide. L'auteur considère alors la cinéphilie comme un territoire nourri de déviance et d'abandon, un point de vue très discutable qui nous laisse de marbre. 

Antoine Jullien

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