vendredi 29 juillet 2016

Les sorties de l'été

TONI ERDMANN / DERNIER TRAIN POUR BUSAN  / SIERANEVADA / LA COULEUR DE LA VICTOIRE / L'ECONOMIE DU COUPLE / THE WAVE / HÔTEL SINGAPURA / LITTLE BIG MAN

Comme chaque été, nous vous proposons une sélection des principales sorties estivales. Lors de vos déambulations cinéphiles, vous risquez de croiser des zombies très méchants, un couple en crise, un athlète mondialement célèbre, un anti-héros mythique, une famille agitée, une créature très très poilue et une vague meurtrière. Bonnes toiles ! 

TONI ERDMANN - Sortie le 17 août


Toni Erdmann est LA sensation du Festival de Cannes à ne rater sous aucun prétexte ! En auscultant la relation compliquée et conflictuelle entre une fille, business woman à cran, et son père, babacool farceur, la réalisatrice allemande Maren Aden bouscule les conventions et signe une sorte d'ovni fantaisiste et libérateur absolument jubilatoire. En s'inventant un double improbable nommé Toni Erdmann, le père va tenter de se réconcilier avec sa fille qui étouffe dans un monde financier qui n'est finalement pas le sien.

Le film regorge d'instants saugrenus et hilarants qu'il serait bien coupable de révéler. Les 2h42 de projection ne se ressentent à aucun moment tant Maren Ade déploie un éventail enthousiasmant d'humeurs et de sensations qui nous happe progressivement jusqu'à un final d'une telle beauté émotionnelle que l'on se met à chavirer sur son siège. Que les jurés du festival de Cannes l'aient ainsi snobé révèle au mieux de l'aveuglement, au pire de l’incompétence, ne serait-ce que pour le duo exceptionnel formé par Sandra Hüller et Peter Simonischek. Espérons que le public rattrapera comme il se doit cette cruelle injustice !

Allemagne / Autriche / Roumanie - 2h42
Réalisation et Scénario : Maren Ade
Avec : Peter Simonischek (Winfried Conradi / Toni Erdmann), Sandra Hüller (Ines), Thomas Loibl (Gerald). 




DERNIER TRAIN POUR BUSAN - Sortie le 17 août


Le film le plus excitant de l'été est un film de zombies coréen ! Dernier train pour Busan est une petite merveille du genre, formidablement rythmé, qui voit un virus inconnu se répandre en Corée du Sud. Les passagers d'un train vont alors devoir livrer une lutte sans merci afin de survivre jusqu'à Busan, l'unique ville où ils seront en sécurité.

A l'instar du récent Snowpiercer (dont l'action se situait également dans un train), le film de Yeon Sang-ho (en passe de devenir le plus gros succès de l'histoire de son pays), connu pour son travail dans l'animation, montre une fois encore la vitalité du cinéma coréen qui parvient à remettre en majesté des genres à bout de souffle. Exploitant parfaitement son décor, le cinéaste joue habilement avec les codes, saupoudrant par endroits son intrigue d'un humour bienvenu qui contient aussi un sous-texte social et politique pertinent dans lequel le réalisateur s'interroge sur l'identité réelle des monstres supposés. Sans recourir à une surenchère gore trop abondante, Yeon Sang-ho signe un excellent suspense qui ne relâche jamais la tension, parvenant à un équilibre assez miraculeux entre séquences spectaculaires et moments plus intimes, avec un final aux antipodes du produit hollywoodien standardisé. Pour les amateurs... et tous les autres ! 

Corée du Sud - 1h58
Réalisation : Yeon Sang-ho - Scénario : Park Joo-suk
Avec : Gong Yoo (Seok-woo), Kim Su-an (Su-an), Jung Yu-mi (Sang-hwa), Ma Dong-seok (Sang-hwa). 



SIERANEVADA - Sortie le 3 août


2h52 de conversations en famille n'est pas le meilleur des arguments pour donner envie de voir Sieranevada (présenté en compétition à Cannes) à un public de moins en moins enclin à s'aventurer hors de sa zone de confort. Mais c'est le prix à payer si l'on veut apprécier le nouveau film du roumain Cristi Puiu, révélé il y a une dizaine d'années grâce à La Mort de Dante Lazarescu. Nous sommes dans un appartement de Bucarest, au cœur d'une famille venue à l'occasion de la commémoration d'un défunt. Mais le déroulement de la journée ne va pas se passer comme prévu, perturbé par des disputes et des invectives, mettant à mal la cohésion familiale et le repas sans cesse différé.

Si l'on peut reprocher à Cristi Puiu d'utiliser toujours le même procédé de mise en scène, à savoir de longs plans séquence tournés au moyen de discrets panoramiques, il faut lui reconnaître une réelle acuité. La manière dont il scrute les états d'âme de ses protagonistes est assez admirable, filmant leurs échanges, leurs éclats de voix, leurs désaccords avec une retenue formelle qui permet au spectateur de s'intégrer parfaitement à cette famille, au point qu'il ait réellement l'impression de la connaître à l'issue de la projection. Le cinéaste ne révolutionne rien dans son propos et son point de vue sur la Roumanie d’aujourd’hui, tenaillée entre les fantômes de son passé communiste et les aspirations à une vie meilleure, n'est pas nouveau. Au delà des débats sur les thèses complotistes évoquées dans le film, Puiu s'intéresse avant tout à la sphère intime, incarnée magnifiquement par une galerie de personnages d'une vérité confondante. On pourra certes regretter que le réalisateur veuille quitter l'appartement pour une scène de confession un peu inutile, et ne finisse par être victime d'une durée excessive. Mais l'étonnante dernière image, celle d'un fou rire communicatif, dit tout de notre dérisoire existence. Il est bien temps de se mettre à table. 

Roumanie - 2h53
Réalisation et Scénario : Cristi Puiu
Avec : Mimi Branescu (Lary), Judith State (Sandra), Bogdan Dumitrache (Relu), Dana Dogaru (Madame Mirica).  




LA COULEUR DE LA VICTOIRE - En salles


Curieusement, le destin de Jesse Owens n'avait pas eu le droit à un biopic. Hollywood ne s'y était encore jamais intéressé car il comprenait sans doute trop de zones d'ombre qui pouvaient entacher la célébration positive du héros américain. Stephen Hopkins, honnête faiseur, s'en tire plutôt avec les honneurs, nous racontant comment un jeune athlète afro-américain issu d'un milieu populaire est allé défié Adolf Hitler aux jeux Olympiques de Berlin de 1936, récoltant quatre médailles d'or (100m, 200m, relais, saut en longueur).

L'entrée de Jesse Owens dans le stade olympique sous le regard haineux des nazis est la meilleure scène du film, tournée en plan séquence afin de capter toute l'intensité de ce moment historique. Le reste de la mise en scène, assez impersonnelle, est beaucoup plus lisse mais n'empêche pas l'évocation du racisme extrêmement violent qui sévissait aux États-Unis à cette époque, du conflit entre ceux qui voulaient boycotter les JO et ceux qui voulaient participer à tout prix, et du rôle ambigu joué par certains américains, notamment l'industriel Avery Brundage (Jeremy Irons) qui a entretenu des liens étroits avec le régime nazi, obligé même d'exclure des athlètes juifs sous la pression de Goebbels. Le film ne verse donc pas dans l'idéalisation et montre au contraire un Jesse Owens sans cesse ramené à sa condition de noir, particulièrement lors de la dernière scène où il est obligé de prendre la porte de service d'un hôtel alors qu'on le célèbre dans le monde entier. Même si certains aspects sont plus problématiques (une musique envahissante et pompeuse, le regard trop complaisant accordé à Leni Riefensthal), La Couleur de la victoire demeure un film de bonne facture, idéal en ces temps d'olympiades et d'exploits sportifs. 

Canada / Allemagne - 2h03
Réalisation : Stephen Hopkins - Scénario : Joe Schrapnel et Anna Waterhouse
Avec : Stephen James (Jesse Owens), Jason Sudeikis (Larry Snyder), Jeremy Irons (Avery Brundage), Carice van Houten (Leni Riefensthal).




L'ECONOMIE DU COUPLE - Sortie le 10 août


Depuis ses débuts, Joachim Lafosse est un poil-à-gratter. Objecteur de consciences (Les Chevaliers Blancs) ou explorateur de transgressions (Elève Libre), le cinéaste dérange. Cette fois, il s'est intéressé à un couple miné par les problèmes d'argent. En pleine séparation, et après 15 ans de vie commune, ils sont obligés de cohabiter dans la maison où ils vivent avec leurs deux enfants. A l'heure des comptes, aucun ne veut lâcher ce qu'il juge avoir apporté. 

L'appartement est presque filmé comme un troisième personnage, et l'importance du décor est ici éloquente. Grâce à la fluidité de sa caméra mobile, Joachin Lafosse l'investit de fond en comble, formant un quasi huis-clos. Une excellente idée car elle accentue l'impression de délitement d'un couple qui s'est aimé et qui n'a plus que le ressentiment comme seul moteur. Elle estime qu'il vit à ses crochets, lui est persuadé d'avoir contribué au couple en rénovant l'appartement. Joachim Lafosse laisse le spectateur juge et on se met à prendre parti successivement pour l'un ou l'autre protagoniste. Au milieu de ce déchirement, des petites filles perturbées par la situation mais compréhensives face aux règles édictées par leur mère. Durant une belle scène de danse improvisée, l'harmonie familiale semble avoir retrouvé ses droits avant que les choses ne dégénèrent inéluctablement. Cédric Kahn et Bérénice Béjo sont d'une grande justesse dans la peau de personnages pas toujours aimables qui finiront par trouver un fragile apaisement. 

France / Belgique - 1h40
Réalisation : Joachim Lafosse - Scénario : Mazarine Pingeot, Fanny Burdino, Joachim Lafosse
Avec : Bérénice Bejo (Marie), Cédric Kahn (Boris), Marthe Keller (Christine). 




THE WAVE - En salles


Au lieu de subir l'avalanche de blockbusters yankee qui envahit les écrans durant l'été, choisissez plutôt de faire un petit détour du côté de la Norvège. Le pays des fjords n'est pas réputé pour ses films catastrophe, et pourtant The Wave n'a pas à rougir de la concurrence. Doté du budget cantine d'une production Marvel, le long métrage s'avère néanmoins convaincant dans sa description minutieuse d'un tsunami qui dévaste une petite ville où un scientifique va devoir retrouver les membres de sa famille.

Roar Uthaug s'est inspiré d'un fait réel survenu en 1934 quand une vague de plus de 20 mètres a frappé la ville de Tafjord. Le réalisateur fait preuve d'un réalisme très efficace qui vient malheureusement buter sur des poncifs et de prévisibles rebondissements. Comme s'il voulait à tout prix obtenir son passeport pour Hollywood, évacuant la moindre singularité. C'est tout le mal qu'on lui souhaite mais il risque de se retrouver bien vite dans la catégorie guère gratifiante des faiseurs sans envergure.

Norvège - 1h50
Réalisation : Roar Uthaug - Scénario : John Kare Raake et Harald Rosenlow-Eeg
Avec : Kristoffer Joner (Kristian), Ane Dahl Torp (Idun), Thomas Bo Larsen (Phillip)



HÔTEL SINGAPURA - Sortie le 24 août


Voilà une œuvre curieuse que celle du réalisateur singapourien Eric Khoo, idéal en ces temps de torpeur estivale. Il raconte sur plusieurs décennies la vie de l'hôtel Singapura, prestigieux établissement des années 40, dans un entrelacs d'histoires au cœur de la suite n°27. Là, un chanteur de rock, un travesti, une touriste vont vivre des aventures sentimentales et sexuelles avec en point d'orgue le personnage d'Imrah, une femme de chambre. 

Le film débute comme un drame en noir et blanc un peu compassé puis on bascule soudain dans le kitsch années 60 avec un cours d'éducation sexuelle ! Eric Khoo nous piège car l'érotisme qui découle de son histoire laisse place progressivement à une réflexion plus grave et mélancolique sur la mort, omniprésente par le fantôme du chanteur qui traverse toutes les époques. Un film assez douloureux sur les occasions manquées à travers le parcours de cette femme qui voit son amant lui échapper et qui couchera frénétiquement afin de retrouver son amour perdu. Le cinéaste verse aussi dans l’ambiguïté lorsqu'il filme une jeune femme insatisfaite en quête désespérée de plaisir. Des âmes échouées perdues dans les décombres d'un lieu en perdition. Une œuvre étrange, inégale mais fascinante. 

Singapour - 1h44
Réalisation : Eric Khoo - Scénario : Jonathan Lim et Andrew Hook
Avec : Nadia Ar (Imrah), Ian Tan (Damien), Show Nishino (Mariko), Lawrence Wong (Boon).  



LITLLE BIG MAN - En salles


Parmi les nombreux ressorties estivales, celle de Little Big Man d'Arthur Penn est immanquable. Pour la première fois en version restaurée, ce western atypique, réalisé en 1970, retrouve toute sa splendeur. En racontant les confessions d'un vieillard sur sa vie au milieu des indiens, son adoption par les Cheyennes puis son retour parmi les Blancs en pleines guerres indiennes, Arthur Penn démythifie magistralement la légende de la conquête de l'Ouest. 

C'est un récit d'apprentissage et un conte picaresque qui voit un anti-héros balloté entre deux cultures. Dustin Hoffman, irrésistible, rencontre tour à tour un charlatan, la femme d'un pasteur et un général sanguinaire dans une succession d'aventures regorgeant de scènes mémorables (la séquence de la baignoire où Faye Dunaway lave un Dustin Hoffman ahuri) et d'instants cocasses (Hoffman en improbable gâchette de l'Ouest). Arthur Penn dénonce très clairement le massacre des indiens, jusqu'à alors plutôt caricaturés dans le cinéma américain, et qui trouvent enfin une dignité et une noblesse à mille lieux de la brutalité forcenée des colons. Un western comique et métaphysique qui fourmille d'idées de mise en scène, une fresque grandiose, l'un des joyaux du grand cinéma américain des années 70. 

Antoine Jullien

États-Unis, 1970 - 2h19
Réalisation : Arthur Penn - Scénario : Calder Willingham d'après le roman de Thomas Berger
Avec : Dustin Hoffman (Jack Crabb), Faye Dunaway (Mme Pendrake), Martin Balsam (M. Merriweather). 

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