mercredi 24 février 2016

The Revenant

 
Alejandro Gonzalez Iñárritu est devenu le roi d'Hollywood. Un an après son triomphe aux Oscars pour Birdman, il risque de récidiver grâce à The Revenant pour lequel il a repoussé les limites du système de production et bien failli voir son entreprise titanesque couler à pic. Un tournage de neuf mois, une explosion du budget (passant de 60 à 135 millions de dollars !) et le départ de plusieurs collaborateurs ont mis à mal une aventure hors norme réalisée dans des conditions climatiques extrêmes, avec des températures avoisinant les -30°. Le perfectionnisme aigu du réalisateur conjugué à celui de son directeur de la photographie, Emmanuel Lubezki, obligeait l'équipe à ne tourner qu'en lumière naturelle, soit seulement quelques heures par jour. Une odyssée qui n'est pas sans rappeler celles vécues en leur temps par Francis Ford Coppola sur Apocalypse Now ou Werner Herzog sur Aguire et Fitzcarraldo et qui sont depuis rentrées dans la légende. 

L'adaptation du livre de Michael Punke, lui-même inspiré de l'histoire vraie du trappeur Hugh Glass, est passée de main en main avant qu'Iñárritu ne décide de s'y atteler, offrant à Leonardo DiCaprio une performance comme il les affectionne. Et qui devrait lui valoir (enfin !) son premier Oscar.

L'action du film se situe en 1822 dans les forêts enneigées du Missouri. L'aventurier Hugh Glass s'associe avec le capitaine Andrew Henry afin de tuer des bêtes sauvages et de revendre leur peau. Lors de leur expédition, Glass est attaqué par un ours mais il en réchappe miraculeusement. Abandonné et dépouillé par deux mercenaires qui devaient veiller sur lui jusqu'à sa mort, l'homme va survivre et les traquer sans relâche.

Leonardo DiCaprio

Le travail dantesque entrepris par Iñárritu et son équipe se vérifie à chaque plan du film. D'une puissance visuelle incontestable, The Revenant nous immerge dans une nature hostile avec une force d'incarnation à nulle autre pareille. Le cinéaste veut nous faire ressentir physiquement la neige, le vent et le froid et le réalisme de sa mise en scène y parvient le plus souvent grâce à une caméra au plus près de ses acteurs. La rudesse des combats auxquels est confronté Hugh Glass, que ce soit face à un ours dans une scène qui devrait faire date par sa violence, ou devant son ennemi interprété par Tom Hardy, marque durablement nos rétines. Mais cette obsession du réalisme immersif ne finit-elle pas par desservir le film ?

Leonardo DiCaprio et Alejandro Gonzalez Iñárritu sur le tournage du film

La critique demeure une réflexion évidemment subjective mais force est de constater que l'on ne se sent pas véritablement concerné par l'histoire, admiratif devant le travail accompli sans être impliqué émotionnellement. La faute, sans doute, à un scénario assez pauvre qui met en relief certains travers du cinéaste. Ainsi, les flashbacks autour de la femme défunte de Hugh Glass alourdissent le récit, amplifié par la musique grandiloquente de Ryuichi Sakamoto, le compositeur culte de Furyo. Et la mise en scène d'Iñárritu devient répétitive car elle repose sans cesse sur le même motif, celui de la profondeur de champ. En utilisant de manière systématique la courte focale,  Iñárritu et Lubezki filment le premier plan et l'arrière plan sans qu'à aucun instant le hors-champ n'intervienne. A force de tout voir dans l'image, le film perd une part de son mystère. Et le procédé, s'écoulant sur plus de 2h30, devient un peu lassant.

Certaines coquetteries, que d'autres appelleront audaces, ne servent pas non plus le film outre mesure. Ainsi, la buée sur l'objectif ou les regards caméra lancés par Leonardo DiCaprio paraissent anecdotiques. Elles prouvent du moins l'intense présence physique de l'acteur qui est pour la première fois quasi mutique. Un rôle qu'il juge "le plus difficile de sa carrière" et qui l'a contraint à manger un poisson vivant et s'abriter dans la carcasse d'un cheval. Tous ses efforts devraient être payants, saluant un acteur qui aime plus que tout s'investir dans des projets "bigger than life" et dont la filmographie exemplaire l'illustre de la plus belle des manières. 

Malgré les réserves que l'on peut émettre, la réussite artistique et commerciale du long métrage annonce peut-être le début d'aventures cinématographiques risquées et intrépides. On a le droit d'en rêver. 

Antoine Jullien

États-Unis - 2h36
Réalisation : Alejandro Gonzalez Iñárritu - Scénario : Mark L.Smith et Alejandro Gonzalez Iñárritu d'après le livre de Michael Punke 
Avec : Leonardo DiCaprio (Hugh Glass), Tom Hardy (John Fitzgerald), Domhnall Gleeson (Capitaine Andrew Henry), Will Poulter (Bridger). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez 20th Century Fox

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