jeudi 5 juin 2014

Les poings contre les murs


On ne pensait plus que le film de prison, un genre en soi si balisé, pouvait encore surprendre. C'est le tour de force qu'a réussi le réalisateur britannique David Mackenzie, connu jusqu'alors pour des films inégaux (Young Adam, Rock n'love) qui atteint ici une puissance dramatique inédite dans sa filmographie. En racontant l'arrivée d'un jeune délinquant, Eric, dans l'univers carcéral où il va lutter pour s'imposer aux surveillants et aux détenus, Mackenzie décoche un véritable uppercut qui nous laisse abasourdi. 

Rarement un long métrage n'aura donné un tel sentiment d'appartenance à un milieu. En filmant la prison avec un réalisme saisissant, le réalisateur parvient à nous immerger dans ce monde brutal où le spectateur vivrait presque aussi durement la violence physique que les différents protagonistes qui la donnent ou la subissent. On est d'emblée captivé par ce jeune homme qui contient une fureur animale prête à exploser à chaque instant. La violence de certaines scènes n'est jamais gratuite car elle traduit la manière de se faire respecter dans cet environnement implacable. Le montrer aussi sèchement n'est pas nouveau, d'autres cinéastes l'ont décrit avec la même force (Un prophète est dans toutes les têtes) mais Mackenzie lui donne un supplément d'âme en racontant également une histoire de réconciliation entre un père et son fils. Car le jeune homme fraîchement débarqué découvre que son père, incarcéré depuis de nombreuses années, se trouve dans la même prison que lui. 

Jack O'Connell 

A rebours des clichés, le cinéaste ne décrit pas une relation père-fils traditionnelle, on a plutôt l'impression d'assister à des échanges entre deux truands. Au moment où intervient un éducateur qui souhaite inclure Eric dans ses discussions pour atténuer cette rage qui est en lui, le père tente à plusieurs reprises de s'y opposer, de peur que son fils lui échappe. Le film se positionne là encore sous un angle nouveau en posant la question d'une possible réinsertion en prison sans prôner de solutions mais en expérimentant certaines. Comment peut-on sortir de cet enfer en étant soi-même dangereux pour soi et pour les autres ?

Le père a besoin de son fils afin de poursuivre ses affaires criminelles, le fils voudrait enfin être reconnu pour ce qu'il est aux yeux de son père. Aucun trémolo dans cet affrontement mais une soudaine prise de conscience de l'un et de l'autre, à la toute fin du métrage. L'intensité qui se dégage entre les deux hommes est décuplée par le talent de deux comédiens stupéfiants : Ben Mendelsohn, un acteur australien découvert dans Animal Kingdom, et la révélation du film, Jack O'Connell qui interprète Eric. Deux atouts majeurs pour un film qui, de par son ampleur, marque les esprits et risque de devenir une référence du genre, au moment où l'on s'y attendait le moins. 

Antoine Jullien

Grande-Bretagne - 1h45
Réalisation : David Mackenzie - Scénario : David Asser
Avec : Jack O'Connell (Eric), Ben Mendelsohn (Neville), Rupert Friend (Oliver), David Ajala (Tyrone). 



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Wild Side Video.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire