mardi 15 mai 2012

Margin Call


La crise financière au cinéma ? Le dernier réalisateur de fiction à s'y être attelé était Oliver Stone avec son lamentable Wall Street 2. Le prometteur J.C. Chandor a décidé de prendre l'exact contre-pied en nous offrant un passionnant tableau de l'univers des traders au moment où la catastrophe de 2008 est survenue. Que les allergiques à l'économie et aux chiffres se rassurent, Margin Call est tout à la fois accessible et instructif et pose un regard sans concession ni complaisance sur le dérèglement mondial. 

Le film suit une journée de la vie de plusieurs traders de l'une des plus grandes firmes de Wall Street, à quelques heures de la plus importante crise financière que le monde ait connue. Pour sauver les meubles, ils vont devoir sauver leur peau, quitte à faire de sérieux compromis... 

Kevin Spacey 

J.C. Chandor, qui connaît bien les rouages de la finance pour avoir eu un père trader pendant quarante ans chez Merrill Lynch, n'a pas voulu diaboliser ou héroïser les personnages qu'il décrit. Pour son premier long métrage, il fait preuve d'une parfaite maîtrise mais surtout d'un étonnant sens du tempo. En effet, le cinéaste n'instrumentalise pas le suspense de manière artificielle, à coups de rebondissements et de retournements de situation, mais fait progressivement monter la tension avec une remarquable économie de moyens, jouant à merveille sur l'aspect intimiste de son récit. Le meilleur effet spécial du film se trouve dans le regard de chaque comédien qui suffit à nous faire prendre conscience de l'étendue des dégâts. La précision de la direction d'acteurs (Kevin Spacey, Paul Bettany, Stanley Tucci...) et la rigueur du scénario amènent le spectateur à s'attacher et à s'intéresser à chaque personnage, en scrutant ses failles, ses contradictions, ses faiblesses. 

Car ils sont tous les responsables, à moyenne ou grande échelle, d'une bulle qui va violemment éclater et faire les ravages que l'on sait. Mais J.C. Chandor ne se pose pas en donneur de leçons et préfère s'interroger sur les raisons qui ont pu conduire à un tel fiasco en ayant l'intelligence de ne jamais faire directement référence à la crise de 2008 et à ses faits les plus marquants. Il filme, en un quasi huis-clos, des êtres qui vivent en temps réel la fin de leurs certitudes. Des personnages traités avec justesse, sans manichéisme, où l'incrédulité des débuts fait place à l'effroi puis au sauve-qui peut. Même les "méchants" de l'histoire, à travers le personnage de Jeremy Irons, ont leur logique, aussi cynique soit-elle, et nous font bien comprendre que les mentalités seront très difficiles à faire changer malgré les meilleures volontés du monde. Le film se termine six pieds sous terre, le dernier endroit où les traders n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. Pleurer la fin d'une imposture, et peut-être, croire au début d'une renaissance. 

Antoine Jullien 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire