mercredi 11 avril 2012

Séances de rattrapage

LE POLICIER / 2 DAYS IN NEW YORK / YOUNG ADULT / LA TERRE OUTRAGEE



Le Policier de Nadav Lapid a créé de sérieux remous en Israël à cause de sa vision très critique de la société. Le long métrage est en effet une topographie sans concessions des inégalités qui affectent la population israélienne et du recours irraisonné à la violence pour les endiguer. Le réalisateur a eu le mérite de ne pas relier directement ces problématiques à la cause palestinienne qui est laissée en arrière plan afin de scruter frontalement les maux d'une société que le cinéaste tente de complexifier. A ce titre, le film est une grande réussite, ne tombant jamais dans le manichéisme facile en montrant à la fois les vies de policiers qui ne remettent pas en question l'ordre établi et celles d'apprentis terroristes qui ne voient que la violence comme exutoire. 

Un tableau impressionnant où les fractures sociales sont béantes et l'indifférence et la lâcheté les maîtres mots. Pour autant, Nadav Lapid ne juge pas ses personnages, à voir la manière dont il filme ce policier avec sa femme enceinte et la portée érotique qui découle de leurs rapports est particulièrement troublante. Le cinéaste accompli donc un acte courageux en mettant dos à dos les parties en présence qui semblent définitivement irréconciliables. Loin d'être une prière pour la paix, Le Policier est un constat terrible et amer d'un monde dominé par toutes les formes de violence. 





Julie Delpy a la côte comme on dit. Après le réjouissant Two days in Paris qui montrait les turpitudes d'un Américain débarquant dans notre capitale et bouleversé par le choc des cultures, voilà que sa femme, vivant maintenant à New York et séparé de lui, accueille sa famille française en visite dans la grosse Pomme. Elle a maintenant un enfant et l'élève avec son nouveau fiancé, Mingus, qui travaille pour une radio branchée. Mais ce nouveau choc culturel n'est pas sans conséquences... 

On aime la façon désordonnée qu'à Julie Delpy de mener son affaire, à coups de digressions drolatiques et d'incidents en chaîne qui provoquent parfois des situations ubuesques. Mais son premier opus aurait du suffire si elle ne proposait pas la même recette. Car le principe reste identique : l'américain est toujours consterné par l'attitude de ces indécrottables français et lui semble la seule personne normale au milieu de cette famille de dingues. Au lieu de pointer les travers des américains, Julie Delpy cible à nouveau les clichés sur les français et ne profite absolument pas de son décor pour raconter autre chose. Au bout d'un moment, le film tourne à vide en recyclant perpétuellement des situations analogues. Et la crise identitaire du personnage de Julie Delpy n'arrange rien et finit par plomber l'ensemble. On sourit cette fois plus qu'on ne rit franchement, et l'on se dit que cette toute petite introspection nombriliste, malgré ses instants charmants, aurait du rester à l'état embryonnaire. 




Charlize Theron fait une drôle de moue sur l'affiche de Young Adult, le quatrième long métrage de Jason Reitman. Ancienne gloire du lycée, elle est le "nègre" d'un écrivain à succès. Elle décide de retourner dans sa ville d'origine et séduire son ancien fiancé. Mais comme le dit l'affiche : "on vieillit tous, on ne grandit pas forcément". 

Jason Reitman est à nouveau épaulé par Diablo Cody, sa scénariste oscarisée pour Juno. Mais la paire gagnante accouche cette fois d'un curieux objet. Ni comédie satirique ni drame social, le film est un entre-deux plutôt embarrassant. Ne sachant pas vraiment quel sujet traiter, le cinéaste fait du surplace, ne parvenant pas à créer de l'empathie pour le personnage de Charlize Theron qui est dépeinte comme un être égoïste, vaguement névrosé et méprisant tout ce qui l'entoure. Sa pseudo complicité avec un ancien camarade de classe ne convainc pas de même que sa laborieuse tentative de reconquête d'un ancien amant. Si le réalisateur et sa scénariste n'ont pas voulu raconter la trajectoire classique d'un individu qui est au départ un salaud avant de s'améliorer au gré des circonstances et des rencontres traversées, ils ne nous disent pour autant rien de très intéressant sur le personnage, à part un inutile trauma personnel et un  constat convenu et un brin déprimant sur la vie et ses choix. Le film donne surtout le sentiment que Jason Reitman n'est plus inspiré dès lors que son scénario n'est pas en béton armé. Sa mise en scène, d'une étonnante platitude, ne parvient jamais à susciter un réel intérêt. Un sérieux avertissement pour la suite. 





26 avril 1986, Pripiat, à quelques kilomètres de Tchernobyl, en Ukraine. En cette belle journée de printemps, Ania et Piotr célèbrent leur mariage, le petit Valery et son père Alexeï, ingénieur à la centrale, plantent un pommier. C'est alors qu'un accident se produit à la centrale. Piotr est réquisitionné, il ne reviendra jamais. Dix ans plus tard, Ania est guide dans la zone de Tchernobyl, devenue un no man's land... 

Peu de films ont abordé la catastrophe de Tchernobyl. La réalisatrice Michale Boganim a choisi de l'évoquer à travers deux périodes. La première, qui est le déroulé de la journée du drame vécue par quelques habitants, est la plus réussie. La cinéaste est arrivée à capter l'insouciance des habitants et la joie des jeunes mariés alors que les premiers signes d'un drame sont déjà perceptibles. La pluie qui devient noire, les poissons morts dans la rivière, un enfant trempé d'eau radioactive, autant d'images d'un désastre écologique et humain qui est en oeuvre. La deuxième partie, qui évoque l'après, est plus inégale. Elle parle de l'impossibilité d'abandonner sa terre, ce besoin quasi irrationnel de rester fidèle à ses origines. Olga Kurylenko incarne superbement cet état intérieur et son visage marqué ainsi que ses cheveux qui s'arrachent si facilement, signe d'une maladie secrète, accentuent encore davantage cette impression. Le scénario aurait mérité d'être plus abouti et se dispenser de quelques clichés mais ce que Michale Boganim montre le mieux, c'est cet étrange lieu qu'est devenu Tchernobyl, improbable destination touristique dans laquelle travaille toujours de nombreuses personnes. Le terre contaminée ne pourra jamais effacer toutes les vies broyées et les destins sacrifiés d'un pays qui pense encore ses plaies, vingt-six ans après. 

Antoine Jullien

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