mercredi 9 novembre 2011

Toutes nos envies


Philippe Lioret est en train d'occuper une place à part dans le paysage français, poursuivant dans la veine d'un cinéma en proie aux réalités sociales d'aujourd'hui mais empreint d'un romanesque diffus. Si ses personnages se battent contre un système, leur combat est toujours lié à un affection personnelle. Dans Welcome, Vincent Lindon, en aidant le jeune réfugié, cherchait à reconquérir sa femme. Dans Toutes nos envies, librement adapté du roman d'Emmanuel Carrère D'autres vies que la mienne, le cinéaste tend vers davantage de sentimentalité tout en conservant sa pudeur si caractéristique. 

Claire, jeune juge au tribunal de Lyon, rencontre Stéphane, juge chevronné et désenchanté. Elle décide de l'entraîner dans son combat contre le surendettement dont est victime une jeune femme. Mais elle doit aussi lutter contre une tumeur au cerveau qui ne lui laisse plus beaucoup de temps...

Marie Gillain

Lioret a cette capacité étonnante de "fabriquer" des drames en sourdine. Ni hurlements ni torrents de larmes dans cette histoire qui a pourtant tous les attraits du mélo. En faisant confiance à ses personnages dont on peut difficilement ne pas s'identifier, Lioret ne cherche nullement à apitoyer mais à donner une dignité à ces êtres qui se battent pour des causes qu'ils croient justes. Si le film est moins ouvertement engagé que le précédent, il nous parle à bon escient d'une société qui asphyxie des personnes de bonne volonté sans la moindre considération humaine. Le cinéaste ne juge pas, il filme une mécanique judiciaire que Claire et Stéphane vont tenter de bousculer et qu'ils vont finir par dynamiter. 

Philippe Lioret sur le tournage avec Marie Gillain et Vincent Lindon 

Le réalisateur a toujours su établir les bons castings et celui-là ne relevait pas de l'évidence. En confiant ce personnage de femme libre et déterminée à Marie Gillain, Lioret casse l'image trop juvénile que l'on avait de la comédienne en la filmant frontalement, sans artifices. L'actrice renaît sous nos yeux et Vincent Lindon accompagne superbement cette renaissance. Si l'acteur ne se départit pas de ses rôles d'hommes entiers et secrets, il apporte un supplément d'humanité, se montrant chaleureux et tendre comme rarement il a été à l'écran. 

Le long métrage nous raconte une histoire d'amitié qui n'en est pas tout à fait une, où une forme incertaine d'amour surgit au détour d'un plan, d'un regard. Lioret conduit son récit avec la maîtrise qu'on lui connaît, ne cherchant pas une virtuosité vaine, attaché à coller à ses protagonistes en ne perdant rien de leurs réactions, contradictoires parfois, sincères et touchantes le plus souvent. Cette précision d'orfèvre, que l'on ne peut s'empêcher de comparer à celle de Claude Sautet, pourrait être aussi la limite du film. A trop vouloir contrôler le scénario et la mise en scène, le cinéaste risque de réfréner son intrigue en ne lui laissant pas des moments d'échappements bien venus. Mais son savoir-faire indéniable lui permet de rester en équilibre entre la maladie de Claire et l'épreuve judiciaire qu'elle traverse. Et le cinéaste en profite pour parsemer son récit de détails qu'on n'oublient pas, comme l'odeur du parfum de Claire caché dans le creux de ses seins ou cette réplique qui résume à elle seule la teneur du film : "J'ai adoré ça, vous rencontrer". 

Antoine Jullien 



DVD et Blu-Ray disponibles chez Warner Home Vidéo.

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