lundi 27 juin 2011

Balada Triste


Alex de la Iglesia est un réalisateur qui n'a pas froid aux yeux. Après ses jouissives comédies (Mes chers voisins et Le crime farpait) et sa malencontreuse incartade britannique (Crimes à Oxford), le revoilà de retour dans un film-somme, tout à la fois pamphlet, film d'horreur, série B et nanar que le cinéaste dynamite avec une fougue et une envie de cinéma insatiable. 

Javier, le fils d'un clown mort sous les balles du général Franco, devient le clown triste d'un cirque où il va rencontrer l'amour de sa vie : Natalia. Mais pour conquérir la belle, il va devoir affronter son amant, Sergio, un homme brutal et rongé par la haine. 

Carlos Areces

Le cinéaste ibérique raconte bien autre chose que ce synopsis trop réducteur. Car Balada Triste ne s'appuie jamais sur ses deux jambes mais esquisse sans arrêt des pas de travers qui font bifurquer le récit vers des zones incertaines. Alex de la Iglesia est sans cesse sur le fil du sublime et du grotesque et l'on redoute à chaque instant que ce fragile équilibre ne vienne se fissurer. Le cinéaste, qui n'a pas peur du "mauvais goût", assume et revendique ses outrances jusqu'à l'écoeurement. Ebahi devant tant d'audaces, le spectateur ne sait quoi penser devant ce spectacle insensé. Film sur la monstruosité sous toutes ses formes, il est également un gigantesque règlement de comptes sur l'histoire d'un pays qui n'a pas encore pansé toutes les plaies du franquisme. 

Si le cinéaste a choisi le clown pour représenter cette époque, c'est qu'il ressentait la nécessité de l'exorciser à travers un prisme baroque et violent parsemé de surréalisme. L'incroyable énergie de la mise en scène sert parfaitement cette volonté en dessinant des personnages extrêmes et pathétiques mais ivres d'amour. Variation sur le thème de la Belle et la Bête, le film, en hommage à la superbe chanson Balada de la trompeta, prend des hauteurs hitchcockiennes où la démesure chère au réalisateur trouve toute sa place. Mais il ne s'agit nullement d'un gratuit déchaînement d'hémoglobine, le cinéaste raconte, à sa manière très personnelle, un passé honteux qui a contaminé toute une société. Le cinéma devient alors pour le réalisateur un exutoire fascinant, éprouvant, épuisant qui dégage une croyance contagieuse et enivrante dans cet étonnant medium. Les fantômes de Freaks rejoignent alors les plus improbables créatures felliniennes et se mettent à lancer ensemble un déchirant cri de désespoir. Devant l'eau tiède que l'on nous sert chaque semaine, Balada Triste fait un bien fou. Le cinéma comme art total ! 

Antoine Jullien



DVD et Blu-Ray disponibles chez M6 Video. 

1 commentaire:

  1. J'ai une sérieuse envie de voir ce film époustouflant avec cette critique que j'aime. Sans être cinéphile comme vous pouvez l'être j'apprécie le surréalisme , les extrêmes, le suspens, la puissance des images sans aimer pour autant les films d'horreur!!! :). Merci.

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