lundi 10 novembre 2014

Une nouvelle amie

 
François Ozon aime la provocation depuis son premier long métrage, Sitcom, dans lequel il dynamitait la cellule familiale. Par la suite, il a malmené le mariage dans 5x2, bouleversé la  maternité dans Le Refuge et sublimé la prostitution dans Jeune & Jolie. Mais le cinéaste est-il un réalisateur militant ou bien un habile manipulateur qui aime jouer avec ses personnages comme avec des figurines ? Son quinzième long métrage, Une nouvelle amie, semble apporter un début de réponse. 

Ozon adapte librement une œuvre de Ruth Randell qu'il voulait à l'origine intituler Je suis femme. Un titre plus explicite que celui finalement retenu et qui résume bien l'intrigue du film, celle d'un homme (Romain Duris) qui, après le décès de son épouse, décide de s'habiller en femme. Un secret bientôt découvert par la meilleure amie de la disparue (Anaïs Demoustier) avec laquelle il va entretenir une curieuse relation.

Romain Duris et Anaïs Demoustier

Le prologue du film est magnifique. Le premier plan nous montre une femme, les yeux fermés, vêtue de sa robe de mariée. Une douceur plane à cet instant jusqu'à ce qu'un cercueil ne se referme sur elle. Puis un flash-back nous raconte, seulement par l'image, les vies des protagonistes avant qu'ils ne se retrouvent aux funérailles de la défunte. La mise en scène de François Ozon est alors d'une fluidité admirable et notre degré d'enthousiasme grimpe subitement. La suite va malheureusement nous donner tort. 

Certains ont vu dans Une nouvelle amie des réminiscences hitchcockiennes, et c'est bien le pire des arguments à donner pour défendre le film. Romain Duris incarne un personnage qui porte les vêtements de sa femme morte pour la faire revivre, évoquant entre les lignes la trame de Vertigo. Mais ce postulat ne tient pas plus de deux séquences tant Ozon s'en éloigne pour nous livrer une comédie pseudo subversive sur les grandes joies et les petites peines du travestissement. 

 
Se travestir est pour Ozon "l'élément déclencheur qui permet au spectateur et au personnage joué par Anaïs Demoustier de comprendre le comportement de David avant de l'accepter". Malin, le réalisateur insinue donc qu'il faut être forcément tolérant face aux préjugés, une démarche très habile qui ne nous empêche pourtant pas de s'interroger. Le travestissement est-il dans la normalité des choses ou bien marque-t-il une vérité plus trouble ? Il choisi de le filmer comme une sorte de jeu, un art ludique du déguisement qui ne prêterait pas à conséquence. Et pourtant, la destinée des protagonistes va s'en trouver totalement chamboulée.

Si tel est le propos, pourquoi sombrer ainsi dans la caricature ? Des répliques telles que "il faut souffrir pour être belle" étaient-elles indispensables ? Sans le vouloir, Ozon tombe dans les travers d'une médiocre parodie et s'il n'y avait pas l'implication assez stupéfiante de Romain Duris, semblant vouloir malmener son image avec gourmandise, le film ressemblerait davantage à La Cage aux folles qu'aux grands mélos revendiqués de Douglas Sirk, lesté d'une réalisation pataude qui ne sublime rien et alourdit tout.

Mais le personnage si anodin d'Anaïs Demoustier, la complète absence de réalisme (les jeunes chez Ozon vivent évidemment dans des baraques gigantesques), les clichés sur le personnage de Raphaël Personnaz et cette fin tellement improbable qu'elle en devient risible, tout concourt à penser que François Ozon n'est qu'un agitateur inoffensif qu'on a soudain un peu de mal à prendre au sérieux.

Antoine Jullien

France - 1h47
Réalisation et Scénario : François Ozon d'après l'oeuvre de Ruth Randell
Avec : Romain Duris (David/Virginia), Anaïs Desmoutier (Claire), Raphaël Personnaz (Gilles), Isild Le Besco (Laura).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez France Télévision Distribution

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