dimanche 16 novembre 2014

La prochaine fois je viserai le coeur

 
Omar m'a tuer, Présumé coupable, 24 jours et bientôt L'Affaire Sk1, le cinéma français se délecte des faits divers qui deviennent désormais l'objet de toutes les attentions, étant la meilleure illustration de la formule "La réalité dépasse la fiction". Pour son troisième long métrage, Cédric Anger a sorti du tiroir une affaire criminelle qui défraya la chronique dans la France des années 70, celle d'Alain Lamarre, gendarme le jour, serial-killer la nuit, auteur d'un meurtre et de plusieurs agressions, arrêté puis reconnu irresponsable de ses actes. L'homme participait à sa propre traque, bien décidé à arrêter ce sinistre assassin qui n'était autre que lui-même, et assénait le courrier adressé à ses collègues de cette menace : "La prochaine fois, je viserai le cœur." Un sujet rêvé, encore fallait-il le rendre cinématographique. 

Cédric Anger a fait le pari risqué de raconter cette histoire uniquement du point de vue du gendarme. Il a voulu littéralement nous placer dans la tête du tueur alors que les réelles motivations de Lamarre ne seront jamais expliquées. Pour réussir ce défi, il choisi de confier le rôle à Guillaume Canet qui semble prendre un certain plaisir à se mettre dans le peau d'assassins réels ou supposés, après avoir campé Maurice Agnelet dans L'homme qu'on aimait trop (voir la critique du film). Avec ses allures de gendre idéal, l'acteur était tout désigné pour interpréter un homme au-dessus de tout soupçon, et il se révèle d'ailleurs très convaincant dans ce personnage ordinaire pris au piège de pulsions qui le sont beaucoup moins. 

Guillaume Canet

Malheureusement pour l'acteur, ni le scénario ni la mise en scène de Cédric Anger ne le servent. Pour tenter de sonder la folie du personnage, le réalisateur parsème son intrigue d'indices aussi grossiers qu'inutiles. En nous montrant Guillaume Canet s'automutiler et s'autoflageller, le cinéaste tombe dans les pires clichés du genre et contribue à provoquer l'inverse de l'effet recherché : l'indifférence. Incapable d'avoir un point de vue original sur son personnage, le cinéaste enchaîne les séquences mécaniquement, plombées par une musique envahissante, sombre dans l'invraisemblance à plus d'une reprise (le gendarme qui réussit à passer la journée dans de l'eau glacée sans se faire prendre !) et finit par faire de mauvais choix scénaristiques (la sous-intrigue boiteuse avec Ana Girardot).  

Cinéphile averti, Cédric Anger connaît ses classiques et à la vue des images embrumées et glacées de la campagne de l'Oise, on retrouve l'ambiance de certains polars d'Alain Corneau. Mais à partir du moment où il décide de nous révéler l'identité du tueur dès la première séquence, il vide son récit de tout suspense et, plus grave, de toute tension. Ne parvenant pas à créer une quelconque empathie envers son protagoniste, le réalisateur paye son refus de ne pas proposer de contrechamp au spectateur, l'enquête des gendarmes au sein des leurs n'est pas traitée et les relations entre les collègues sont plutôt caricaturales. Cédric Anger aurait dû faire appel à un scénariste chevronné pour donner davantage de substance à un film, qui, à l'image de son décor, demeure bien terne.

Antoine Jullien

France - 1h50
Réalisation et Scénario : Cédric Anger
Avec : Guillaume Canet (Franck), Ana Girardot (Sophie), Jean-Yves Berteloot (Lacombe).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.

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