Une énième adaptation de saga littéraire à succès pour ados débarque sur les écrans. Basé sur une dystopie (voir la critique du Labyrinthe), The Giver est la pierre angulaire du genre, l’œuvre qui a ouvert les portes aux Hunger Games et autre Divergente. Vingt ans après la sortie du livre de Lois Lowry, voici donc sa version cinématographique réalisée par le vétéran Phillip Noyce.
Le film s’attache au personnage de Jonas, un jeune homme vivant sur une île encerclée par une brume sans fin. Dans ce monde clôt et aseptisé, triste et sans relief, les contacts humains sont prohibés, toute émotion ou libre arbitre interdits. La quête de Jonas commence lorsque les « Sages » emmenés par la Doyenne (Meryl Streep), lui attribuent la mission de devenir le nouveau Passeur (The Giver donc) en se formant auprès de l’actuel Passeur (Jeff Bridges), vieil homme pantouflard fatigué de devoir porter seul la mémoire d’un passé dans lequel danser, écouter de la musique et faire de la luge était encore possible. En absorbant petit à petit les souvenirs de ce dernier, Jonas va découvrir aussi bien l’amour et la joie que la violence et la mort.
Le premier problème que rencontre le film est le manque de crédibilité de son point de départ. On a du mal à adhérer à l’existence même du Passeur dans cet univers totalitaire où Big Brother veille. Pourquoi sauvegarder le souvenir d’un monde que l’on a volontairement détruit ? Pourquoi laisser cette boîte de Pandore entre les mains d’un être humain, faillible par définition ?
Meryl Streep et Jeff Bridges
Et les problèmes ne s’arrêtent pas là. Si le film est agréable à regarder dans son ensemble, la naïveté de son propos le rend assez décevant. Sans souffle épique ni véritable tension dramatique, The Giver ne surprend jamais et laisse place à un ennui poli. Même si la présence du noir et blanc au début du film souligne une certaine forme de courage dans l’adaptation, le reste est d’une platitude désolante. Les jeunes acteurs manquent cruellement de charisme et leurs aînés (Jeff Bridges et Meryl Streep) ne sortent jamais de leur zone de confort. La réalisation, noyée sous un amoncellement d’images YouTube, est tout aussi insipide et on a la désagréable sensation qu’un fossé générationnel sépare les fabricants du film de son public. En effet, Phillip Noyce tourne à l’ancienne, utilisant sans vergogne une shaky cam (caméra qui tremble volontairement) ringarde pour dynamiser ses rares séquences d’action alors qu’un découpage plus nerveux aurait fait l’affaire. Et lorsqu’il s’agit d’évoquer la guerre, le réalisateur fait ouvertement référence au Vietnam alors que la jeunesse d’aujourd’hui devrait plutôt être interpellée par des images rappelant l’Irak ou l’Afghanistan.
Malgré de nombreuses références intéressantes (1984 de George Orwell, Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley ou Métropolis de Fritz Lang), The Giver est dès lors obsolète, trop classique pour faire vibrer, trop incohérent pour passionner, et déjà oublié à peine visionné.
Alexandre Robinne
Etats-Unis - 1h37
Réalisation : Phillip Noyce - Scénario : Michael Mitnick et Robert W. Weide d'après le livre de Lois Lowry
Avec : Jeff Bridges (Le Passeur), Meryl Streep (Doyenne), Brenton Thwaites (Jonas), Alexander Skarsgard (Le père de Jonas).
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