"Le vent se lève, il faut tenter de vivre", cette citation d'un poème de Paul Valéry ouvre l'ultime film du maître du cinéma d'animation, Hayao Miyazaki. Le grand cinéaste a décidé de tirer sa révérence avec cet onzième long métrage, l'un des plus étranges de son auteur. Les créatures fantastiques et les mondes imaginaires ont laissé place aux heures sombres de la seconde guerre mondiale à travers le parcours de l'architecte aéronautique Jiro Horikoshi qui fera rentrer l'aviation japonaise dans l'ère moderne.
Par son approche plus réaliste, Le vent se lève ne s'adresse pas aux enfants qui risquent fort d'être décontenancés mais bien aux adultes qui ont été, au Japon du moins, divisés sur le portait d'Horikoshi dessiné par Miyazaki. Il est délicat d'avoir une opinion tranchée sur l'homme car le cinéaste a voulu privilégier l'inventeur et le visionnaire technique plutôt que le créateur d'une machine qui a causé de nombreuses victimes. D'ailleurs, le cinéaste évoque la guerre de manière abstraite, en toile de fond, au détours d'un plan, cette période ne représentant que la dernière partie du film qui multiplie les ellipses de façon un peu déconcertante. Le fil rouge de l'histoire reste la relation rêvée entre Horikoshi et le concepteur d'avions italien Gianni Caproni, son modèle. Leurs séquences sont les seules échappées dans l'imaginaire, et les plus belles du film.
L'amour finira par s'en mêler mais là également, les interprétations sont complexes. En ramenant auprès de lui sa bien-aimée malade de la tuberculose, Horikoshi sublime-t-il son histoire d'amour ou agit-il au contraire par égoïsme afin d'assouvir son rêve et sa passion ? Miyazaki semble lui-même hésiter, et c'est la raison pour laquelle l'émotion pointe si peu, malgré la superbe musique de son compositeur habituel, Joe Hisaishi. Mais les fulgurances visuelles du cinéaste demeurent, elles, solidement ancrées dans nos mémoires, comme ce prototype d'avion qui vient s'écraser sur la table de travail de l'ingénieur où bien ces maisons prises dans les secousses du terrible tremblement de terre qui ravagea le Japon en 1932. Soudain, les dernières images laissent poindre le pessimisme du cinéaste, nous montrant un créateur dépassé par les conséquences engendrées par sa créature. Et le film de se conclure dans un rêve brisé, aux accents douloureux. Un beau testament.
Antoine Jullien
Japon - 2h06
Réalisation et Scénario : Hayao Miyazaki
Disponible en DVD et Blu-Ray chez Ghibli.
Bonjour,
RépondreSupprimervotre critique est en accord avec mes impressions à la sortie du film.
Grand admirateur de Miyazaki, je puis dire que ce film testamentaire a des problèmes de rythme et de positionnement. Ceux qui affirment que ce film fait l'apologie d'un inventeur "meurtrier" se trompent. En revanche, Miyazaki semble vouloir laisser de côté son âme d'enfant, ses extravagances visuelles, tout ce qui chez moi résonnait comme de la poésie.