mercredi 29 février 2012

Bullhead


Un uppercut venu tout droit des Flandres vient secouer une fin d'hiver cinéphile un peu terne. On doit ce réjouissant sursaut à Michaël R. Roskam, le réalisateur très prometteur de Bullhead, son premier long métrage, nommé à l'Oscar du meilleur film étranger. Un polar atypique ayant pour cadre le trafic d'hormones qui mêle avec une force étonnante la violence crue aux sentiments les plus troubles. Une révélation. 

Jacky Vanmarsenille est éleveur. Aux côtés d'un vétérinaire sans scrupule, il s'est forgé une belle place dans le milieu du trafic d'hormones. Mais l'assassinat d'un policier fédéral et sa rencontre avec un ami d'enfance qui partage avec lui un lourd secret bouleverse le marché que Jacky doit conclure avec le plus puissant des trafiquants de Flandres... 

Matthias Schoenaerts

"Je n'ai rien connu d'autre que le bétail" dit à un moment Jacky, désamparé. Tout l'enjeu du film se retrouve dans ces mots : rechercher l'humain tapis sous la bête immonde. L'interprétation stupéfiante de Matthias Schoenaerts, que Jacques Audiard a choisi pour son prochain film, De rouille et d'os, accentue encore cette impression. Oscillant entre la rage brute et une fragilité que l'on découvre en filigrane, le comédien est d'une incroyable intensité à mesure que le mystère qui entoure son personnage se dévoile. Car Jacky est drogué aux hormones comme les bestiaux dont il a la charge. L'irruption d'un terrifiant flash-back fait brutalement basculer le film vers la pure tragédie. 


Pour reprendre les mots du réalisateur : "Bullhead traite de la mafia des hormones comme Hamlet traitait de la royauté danoise." L'intrigue policière est une toile de fond agrémentée de pics d'humour savoureux dus à la présence de deux garagistes imbéciles pour explorer la monstruosité humaine installée dans un décor de film d'horreur. Mais le cinéaste ne se contente pas de filmer des archétypes d'êtres dégénérés, il leur apporte une réelle complexité en formant une mosaïque de personnages tous plus ambivalents les uns que les autres. 

D'une maîtrise stylistique confondante, la mise en scène de Michaël R. Roskam démontre un sens inné de l'espace, à voir la virtuosité qu'il déploie lors d'une scène d'hôpital dans laquelle il inverse habilement les points de vue. On lui pardonnera quelques maladresses et des métaphores animales moins inspirées pour retenir un final d'une grande puissance dramatique. Le cinéaste filme alors une existence perdue qui n'aura jamais connu l'innocence, plongée dans un monde de bêtes que l'amour ne pourra pas sauver. Bullhead est la preuve éclatante que le renouveau cinématographique se trouve désormais au Royaume de Belgique. 

Antoine Jullien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire