mercredi 1 février 2012

Another happy day


Famille, je vous hais. Un refrain que de nombreux cinéastes ont repris à leurs comptes. Fils du célèbre réalisateur Barry Levinson (Rain Man, Sleepers...) Sam Levinson, 26 ans, croque avec férocité une tribu qui semble être la sienne. Si pour son premier essai, il n'évite pas certaines maladresses, il nous saisit par intermittence dans des envolées où la méchanceté le dispute à la jalousie effrénée. 

Lynn débarque chez ses parents pour le mariage de son fils aîné, Dylan. Elle est accompagnée de ses deux plus jeunes fils, Ben et Elliot, paumé et prompt à mélanger drogues, alcool et médicaments. La réunion va s'avérer bien compliquée, avec grands parents réac, tantes médisantes sans compter le premier mari de Lynn qui arrive flanqué de sa nouvelle compagne tyrannique. 

Jeffrey DeMunn, Ellen Barkin et Ezra Miller

Les jeunes cinéastes prennent parfois le risque d'être taxés de petits malins. C'est le sentiment qui domine pendant la majeure partie d'Another Happy Day. Le film déploie son cruel jeu de massacre avec une ironie distanciée personnifiée par Ezra Miller, le fils de Lynn, inoubliable dans le terrifiant We need to talk about Kevin. Il semble être le double du cinéaste et s'amuse à compter les points entre répliques vachardes et multiples coups bas. Malgré ce cynisme auto-satisfait, le sujet du film se révèle bien plus amer qu'on ne l'envisageait au départ. Une famille où personne n'a d'attention pour l'autre, dans laquelle chacun, en manque d'affection, se réfugie dans ses problèmes personnels. Le réalisateur joue sur le rôle de présumée victime de Lynn qui a du dans le passé abandonner son foyer pour éviter les coups de son mari et ainsi se mettre sa famille à dos. Mais ce personnage a un tel besoin de reconnaissance qu'il en devient vite insupportable. 

On a l'impression tenace que tous les protagonistes sont réduits à des rats de laboratoire par un cinéaste qui ne leur prêtent aucune considération véritable. Une telle violence dans les rapports humains secoue mais finit par lasser alors que ces personnages névrosés arrivent néanmoins à dégager une forme d'empathie, et cela grâce aux comédiens, tous remarquables, de Demi Moore en belle-mère méprisante à Ellen Barkin en femme aux abois constamment au bord des larmes. Elles font de ces archétypes des êtres à la sensibilité à fleur de peau, où les supposés vilains peuvent se révéler humains la scène suivante. Dans les dernières séquences, le règlement de comptes s'essouffle et Sam Levinson amène alors enfin un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Il était temps. 

Antoine Jullien

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