La crise n'est pas terminée, loin de là. Les personnages de The Company Men la subissent de plein fouet. Cadres dynamiques d'une importante entreprise de transport, ils se voient débarqués du jour au lendemain. Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes boivent la tasse sans exception. C'est la fin des illusions d'un monde bâti sur le seul souci de rentabilité qui oublie le facteur humain en ne prenant en considération que les desiderata des actionnaires. Le documentaire américain a déjà justement évoqué le problème, notamment à travers l'excellent et oscarisé Inside Job. Mais la fiction yankee s'était jusqu'à présent montrée plutôt timide sur le sujet. Le réalisateur John Wells, l'un des scénaristes de la série Urgences, s'y est attaqué avec efficacité mais modestie.
Les protagonistes du film passent brutalement du statut de coupable à celui de victime. Car avant de se faire licencier, ils profitaient tous allègrement d'un système qu'aucun ne remettait en question. Le film ne s'inscrit d'ailleurs pas dans l'élan d'une révolte ni dans celui d'une virulente dénonciation du capitalisme sauvage. Il tente plutôt une approche optimiste saupoudrée d'humour noir. La relative neutralité de la mise en scène permet de ne pas surcharger les drames personnels que vivent les personnages ni d'asséner de message pontifiant. Cette apparente tranquillité ne doit pourtant pas faire oublier la violence des rapports entre les individus ni l'absence de solidarité. Le retour à cette dure réalité n'est pas facile pour tout le monde, et John Wells le montre bien grâce au couple formé par Ben Affleck et Rosemarie DeWitt où la femme est beaucoup plus lucide sur la situation familiale que son mari pétri de certitudes.
Une arrogance que le réalisateur remet gentiment en cause. Car la sobriété du ton est la qualité mais aussi le principal défaut du long métrage. John Wells filme son histoire sur des sentiers très balisés dans laquelle tous les passages obligés sont au programme : grand discours, dépression, victoire. Ce conformisme est heureusement contrecarré par le brio des acteurs : le visage buriné de Tommy Lee Jones reste toujours un spectacle en soi, la candeur de Ben Affleck se bonifie de film en film, la tristesse sympathique de Chris Cooper a toujours autant de charme. Seul Kevin Costner semble un peu égaré, son personnage de maçon taciturne aurait mérité davantage de caractérisation. Malgré un happy-end un peu forcé, The Company Men se regarde sans déplaisir ni passion sans que l'on ne sache qui le film fâchera le plus.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
DVD et Blu-Ray disponibles chez TF1 Vidéo.
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