mercredi 2 février 2011

Incendies


Evoquer la fin des films est (parfois) un sacrilège qu'il ne faut pas commettre. Le mot n'est pas trop fort à la vue des dernières images d'Incendies. D'une puissance dramatique édifiante, le long métrage suit deux histoires en parrallèle : à la mort de Nawal Marwan, ses deux enfants, Jeanne et Simon, se voient remettre deux enveloppes : l'une destinée à leur père mort officiellement à la guerre et l'autre à leur frère dont ils ignoraient l'existence. Jeanne part immédiatement retrouver les origines de sa mère. Quelques décennies plus tôt, on suit le parcours chaotique de cette femme qui va payer cher le prix de son engagement.

Adapté de la pièce de Wadji Mouwad, le film fait très vite oublier ses origines théâtrales. La réalisateur québecois Dennis Villeneuve a su rester fidèle au texte tout en lui donnant une réelle ampleur cinématographique. Dès la première séquence, tendue, le cinéaste capte ces visages meurtris qui découvrent que leur mère était une étrangère pour eux. On ne saura d'ailleurs presque rien de leur relation, le film se focalisant sur le retour au passé et les bouleversements qu'il va engendrer.

Situé dans un pays du Moyen-Orient indéterminé (mais l'on songe beaucoup au Liban), Dennis Villeneuve filme ces destinées avec ses heurts et ses coups, de plus en plus violents. D'une terrifiante exécution dans un bus au "séjour" dans une prison où l'enfer a ses entrées, Nawal va subir son existence avec une détermination et une rage qui ne la quitteront pas. Prise dans un conflit dont elle ne mesure pas toutes les conséquences, elle va devenir la proie de la brutalité des hommes, en chantant. Une idée aussi cruelle que poétique pour dire toutes les souffrances que ces femmes ont connues.

Mélissa Desormeaux-Poulin et Maxim Gaudette

D'une tension qui va crescendo, le cinéaste sait entretenir des pauses bienvenues, et quand l'horreur devient palpable, il filme, au lieu des grands discours, le frère et la soeur nageant dans une piscine, belle métaphore d'êtres submergés par ce qu'ils découvrent.

Sans ne rien révéler, l'aboutissement de cette histoire lui donne une indéniable dimension tragique. Ce dénouement, inouï, replace le film dans une autre perpective et laisse poindre une réserve. Rendre l'invraisemblable véritable, Dennis Villeneuve semblait y être parvenu jusqu'à ce que l'on se replonge dans cette histoire et qu'on y trouve quelques failles. Mais la parole du critique doit s'arrêter là s'il ne veut pas que le plaisir du (futur) spectateur soit définitivement anéanti.

Antoine Jullien



DVD disponible chez CTV International.

2 commentaires:

  1. Je l'ai vu dimanche soir et j'ai trouvé ce film superbe. Malgré un sujet très glauque et difficile, le film ne sombre pas dans le pathos et le glauque justement. Enfin c'est ce que j'ai ressenti en tous cas. Et puis Radiohead sur la première scène, magnifique !!

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