Ne reculez pas devant la publicité fanfaronnante proclamant " le grand favori pour les Oscars" ni les critiques aigres qui le qualifient de "machine à Oscars". Des propos réducteurs et simplistes pour un long métrage que l'on attendait pas et qui demeure comme l'un des plus réjouissants plaisirs de spectateur de ce début d'année.
Incapable de prononcer correctement un discours à chaque apparition publique, le duc d'York (Colin Firth), second fils du roi Geoges V, souffre de graves problèmes d'élocution. Sa femme (Helena Bonham Carter) le met en relation avec un orthophoniste original et décalé, Lionel Logue (Geoffrey Rush) qui va tenter de le guérir. Mais le duc, à la suite de l'abdication de son frère aîné, devient le roi Georges VI. Et à la veille d'un conflit mondial dans lequel Hitler sème la terreur, le monarque va devoir rassurer la nation et ainsi vaincre son handicap.
Plus connu grâce à ses films pour la télévision britannique, Tom Hooper a eu entre les mains un scénario d'orfèvre écrit par Michael Seidler, lui-même bègue quand il était enfant. L'histoire, qui mêle la Grande et la petite (jusque là très méconnue), est une remarquable étude de caractères dans laquelle va se nouer une relation ambivalente entre le roi et son guérisseur. Leur première rencontre, particulièrement délectable, voit se confronter deux hommes que tout semble opposer : l'un supporte mal sa condition monarchique, étouffé par un père autoritaire, l'autre est un comédien raté qui voit dans ses thérapies une possibilité de s'exprimer. Deux tempéraments qui vont s'unir grâce à un très astucieux renversement des rôles. Pour vaincre le problème, Logue s'adresse au duc en l'appelant Bertie, surnom que seuls les membres de sa famille pouvaient lui donner. Et lorsque le roi, qui doute des méthodes controversées de Logue, prétend connaître le remède grâce aux conseils des médecins de la cour, le thérapeute lui rétorque que ce sont des sots. Le duc insiste en précisant qu'ils sont anoblis. Et à Logue de fermer le ban avec cette réplique mémorable : "Et bien, cela officialise la chose".
Cet humour, qui parcourt tout le film, est merveilleusement incarné par le grand Geoffrey Rush. Le comédien, un peu en retrait ces dernières années, apporte toute sa malice et son espièglerie à ce personnage. Sa présence tranquille est le grand atout du long métrage dans lequel brille l'ensemble des comédiens, à commencer par Colin Firth qui ne tire jamais son rôle vers la performance et la discrète et piquante Helena Bonham Carter.
Loin de s'en tenir platement au script, Tom Hooper insufle au long métrage un style mêlant l'élégance à l'esthétisme, alliant les gros plans décadrés au somptueux travellings à travers les demeures royales. S'éloignant de l'académisme grâce à des choix de décors audacieux comme le cabinet de Logue que l'on croirait sorti d'une toile de Bacon, il se permet même une séquence presque fantastique, dans un parc, où la lumière envahissante semble irradier les deux personnages alors que l'orthophoniste cherche à bousculer son "patient". Une vérité que le monarque ne voudra pas voir mais qui finira par éclater.
Même si le grand final tant attendu paraît convenu et curieusement peu inspiré, l'ensemble est une vraie réussite et redonne foi en un cinéma classique qui sait intelligemment dépoussiérer l'histoire.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
Retrouvez la critique du "Discours d'un roi" sur le blog Critique-Ouverte
RépondreSupprimermoyen par rapport au "tapage"
RépondreSupprimermais bonne prestation du "Roi"