BURIED / RUBBER
Et s'il l'on se réveillait un matin avec l'idée étrange de raconter l'histoire d'un type enfermé dans un cercueil où la vie d'un pneu au milieu du désert américain ? Deux cinéastes, Rodrigo Cortès et Quentin Dupieux, aiment se lancer des paris impossibles. La preuve cette semaine.
Et s'il l'on se réveillait un matin avec l'idée étrange de raconter l'histoire d'un type enfermé dans un cercueil où la vie d'un pneu au milieu du désert américain ? Deux cinéastes, Rodrigo Cortès et Quentin Dupieux, aiment se lancer des paris impossibles. La preuve cette semaine.
Buried repose sur un principe que n'aurait sans doute pas renier Alfred Hitchcock : enfermer son personnage principal en maintenant le suspense jusqu'au bout pour savoir s'il va ou non s'en sortir. Rodrigo Cortès a su relevé ce tour de force un peu fou. Alors que, dans Kill Bill 2, Tarantino avait mis six pieds sous terre la pauvre Uma Thurman pendant dix minutes seulement, Cortès lui, claquemure Ryan Renolds pendant une heure trente !
Plus connu comme mari de Scarlett Johanson que comme comédien réputé, il joue avec une intensité rare un camionneur victime d'une attaque en Irak. Enfermé dans un cercueil, il devient l'otage de terroristes qui réclament une exorbitante rançon s'il veut rester vivant. Muni d'une lampe torche et d'un téléphone portable, l'homme va devoir faire face à la bureaucratie américaine insensible à son sort, plus préoccupée par protéger ses intérêts que sauver la vie d'un de leurs ressortissants.
Ryan Reynolds
Dès les premières minutes, le cinéaste impose immédiatement une tension : face à un écran noir, on entend un homme haleter jusqu'à ce que l'on découvre, effaré, le réalité de sa situation. Cortès va constamment maintenir cet état de pression permanente, filmant le visage sali de son comédien sous toutes les coutures, créant un terrible suspense dont les seuls ressorts sont un homme au téléphone et la voix lointaine qui lui fait office d'interlocuteur. A l'instar du personnage, le spectateur se met lui aussi à respirer difficilement, les sens en alerte, un sentiment de peur de plus en plus galopant.
Un peu à l'étroit dans son dispositif, le réalisateur s'est senti obligé d'utiliser des plans impossibles qui déforcent son film. La musique pompière et le scénario qui patît d'invraisemblances finissent par nous désintéresser. Mais le final, manipulateur en diable et d'une sidérante noirceur, nous cloue au fauteuil. Et au regard du contexte, on se dit que Rodrigo Cortès n'a pas livré qu'un redoutable thriller claustrophobique mais aussi une critique à peine voilée de la politique actuelle. Chapeau !
Les réalisateurs arrivent encore à surprendre. En choisissant un pneu comme héros de son deuxième long métrage, Quentin Dupieux a voulu transformer une série Z en objet conceptuel. Ce personnage aussi improbable que fascinant, le réalisateur lui donne vie de manière presque "naturelle". Il se réveille au beau milieu du désert américain et, comme un enfant, va découvrir petit à petit ses facultés grandissantes. Une naissance qui restera probablement dans l'histoire du cinéma comme l'un des moments les plus abstraits qu'il nous ait été donné de voir.
La poésie du début laisse place à l'horreur teintée d'absurdité. Alors que Rubber se découvre des pouvoirs de télépathe au point de faire exploser les tête des gens qu'il croise sur sa route, un groupe de spectateurs, les spectateurs du film en cours, assiste au carnage de ce pneu tueur. Le principe du film dans le film n'est pas spécialement nouveau et cette mise en abîme a déjà fait l'objet de nombreux longs métrages. En grand amateur de Bunuel, Quentin Dupieux prend ce décalage à son compte.
Mais Rubber a le défaut de ses qualités. Car s'il réinvente un genre, il a la faiblesse de se croire plus intelligent que lui. On peut reprocher au film son côté arty qui se prend un peu trop au sérieux et qui prive le spectateur du plaisir coupable ressenti devant ce type de film. Car Quentin Dupieux a l'air de croire dur comme fer à son histoire de pneu en le filmant d'ailleurs comme un être de chair et sang, épousant ses trajectoires zigzagantes grâce à l'usage d'un appareil photo numérique. Rubber est en effet l'un des premiers longs métrages à avoir été tourné ainsi. Le rendu bluffant du dispositif capte très bien les étendues désertiques même si le réalisateur a tendance à abuser de la profondeur de champ.
On ressort de la salle tout à fait décontenancé devant cet Ofni, ne sachant trop s'il s'agit du lard ou du cochon. N'expliquant rien, jouant sur le "no reason" évoqué au début du film avec un sérieux papal, Rubber laisse songeur. A t-on à faire à un créateur génial ou à un malin plaisantin ? A vous de trouver la réponse.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
J'aime ta critique sur Rubber, pas encore vu mais ma foi, ça ne m'incite que davantage à y aller :D
RépondreSupprimerBon maintenant que je l'ai vu je partage l'indécision que tu soulèves à la fin de ton article, à savoir qu'on est perdu entre les très bonnes choses qu'il peut y avoir dans ce film et la part de plaisanterie qui nous permet mal de 'lire' le film de quelque manière qu'il soit (et qui manque du coup l'accès à une certaine profondeur). Tant pis, on en restera au "no reason" après tout, je crois que c'est à peu près tout ce qu'il y a.
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