"Parler de la chevelure, c'est embrasser l'histoire de l'art et celle de nos sociétés. Les cheveux des femmes entretiennent depuis toujours un rapport étroit à l'histoire des sociétés et à la mythologie. On y lit les rapports des hommes et des femmes, aussi bien du côté de la séduction que de la résistance". L'ambition affichée par Alain Bergala, le commissaire de l'exposition Brune/Blonde à la Cinémathèque française, n'est pas mince. On n'avait encore jamais évoqué ce mythe de la chevelure de manière aussi vaste, dans un parcours linéaire où se côtoient le cinéma, à travers des photos et extraits de films, mais aussi la peinture et la sculpture jusqu'à l'installation contemporaine d'Alice Anderson, une immense chevelure rousse recouvrant la façade de la Cinémathèque.
"L'idée de Brune/Blonde : accueillir le visiteur dans le monde ludique et chatoyant du mythe, puis l'entraîner peu à peu vers d'autres cercles de compréhension" (Alain Bergala). En effet, l'exposition est organisée selon plusieurs thématiques. Elle s'intéresse à l'histoire et à la géographie de la chevelure féminine en évoquant notamment l'impérialisme de la blondeur. Dès la fin des années 30, Hitler récupère le mythe de la blondeur nordique pour l'utiliser à des fins raciales. Hollywood va ensuite s'en emparer et toutes les stars de l'époque, de Lana Turner à Marilyn Monroe en passant par Veronica Lake, répondront à ces critères esthétiques, excluant de fait les minorités. Des archives télévisuelles montrent bien, à partir des années 60, l'émancipation des femmes à refuser le modèle imposé par le cinéma dominant, en témoignent la coupe "garçonne" de Jean Seberg dans A bout de souffle ou la coiffure afro des Black Panthers.
Pierre Puvis De Chavannes, La toilette dite aussi Femme à sa toilette, 1883. Paris, Musée d'Orsay.
L'exposition explore des terrains plus inattendus comme la gestuelle liée à la chevelure. Dénouer, relever, lâcher, ces mouvements contribuent à la fascination qu'exercent les actrices sur le spectateur. En cela, le parallèle émis entre Alida Valli se brossant les cheveux dans Senso et le tableau Femme à sa toilette de Puvis de Chavannes est éloquent.
L'avant-dernière salle est sans doute la plus intéressante car elle retrace les trois scénarios de la chevelure féminine. D'abord la rivalité entre les brunes et les blondes que deux cinéastes ont porté à un degré d'envoûtement jamais atteint : Alfred Hitchcock avec Vertigo et David Lynch avec Mulholland Drive. Le travestissement et la métamorphose font aussi partie intégrante de nombreux films, l'image de la tête rasée de Maria Falconetti dans La passsion de Jeanne D'Arc de Dreyer reste dans toutes les mémoires.
Mulholland Drive de David Lynch, 2001. © Studio Canal
L'exposition, un peu trop succincte, s'achève sur une sélection de six courts métrages inédits dans lesquels les cinéastes nous livrent leur vision de la chevelure féminine, discutable parfois, sans grand intérêt le plus souvent. Il est plutôt conseillé d'aller voir ou revoir cinquante longs métrages proposés par la Cinémathèque pendant toute la durée de l'exposition : chefs d'oeuvre, films rares et perles de séries B. En attendant l'Alfred Hitchcock en janvier 2011.
Antoine Jullien
Antoine Jullien
Brune/Blonde. Une exposition Arts et Cinéma à la Cinémathèque française jusqu'au 16 janvier. Informations : 01.71.19.33.33. ou www.cinematheque.fr
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