mardi 28 février 2012

Se réjouir du succès de The Artist


A peine The Artist venait de remporter ses 5 Oscars (film, réalisateur, acteur, musique, costumes) que la tradition française de l'autodénigrement se mettait en marche. Pour la première fois dans l'histoire du cinéma, une production soutenue et financée par la France obtient la récompense suprême dans le saint des saints hollywoodien. Comment ne pas se réjouir de voir triompher un réalisateur, Michel Hazanavicius, dont personne ne misait sur le projet avant l'arrivée du producteur Thomas Langmann, et de toute son équipe, Jean Dujardin et Bérénice Béjo en tête ? 

Ce n'est pas une affaire de chauvinisme mais bien de talent et de ténacité qui eux, n'ont pas de frontières. Est-ce avoir l'esprit cocardier que de constater que le cinéma français, si critiqué pour son manque d'audace et d'originalité, a osé entreprendre, en 2011, un film muet en noir et blanc au format 1.33 ? Il faut saluer de telles démarches qui redonnent foi en une cinématographie de passionnés nourris par le même amour du cinéma. Et le retour aux origines du septième art, également célébré par Scorsese dans Hugo Cabret, n'est-il pas une brillante manière de raviver son incroyable pouvoir de fascination ? 

Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo et le producteur Thomas Langmann

Les mauvaises langues diront toujours que The Artist est un film sur Hollywood tourné au coeur des studios, la principale raison de sa côte d'amour outre-atlantique. Mais il faudrait revoir de plus près le film de Michel Hazanavicius pour se rendre compte du subtil décalage qu'il a réussi à opérer, en donnant à deux comédiens français des rôles normalement dévolus aux anglo-saxons. Hazanavicius lui-même déclarait au moment de la sortie du film avoir été le seul réalisateur qui ait dû convaincre un producteur français de choisir Jean Dujardin... 

On le sait, la campagne pour les Oscars a été un véritable raout promotionnel et le chef d'orchestre de ce battage médiatique, le controversé Harvey Weinstein, a encore su démontrer sa redoutable efficacité. Est-ce une raison pour dévaluer le film ? Certainement pas. D'ailleurs, la question essentielle à laquelle on doit répondre est la suivante : The Artist est-il un bon film ? Oui, un excellent même, d'une élégance et d'une ingéniosité remarquables. Un chef d'oeuvre ? Si l'on fait la liste des dix derniers longs métrages lauréats de l'Oscar du meilleur film, on en arrive rapidement à la conclusion que le meilleur film de l'année est rarement celui qui rafle la mise au final. Et The Artist a certainement profité de la faiblesse de la concurrence (à l'exception notable d'Hugo Cabret) pour s'imposer.

Il n'empêche que l'on savoure pleinement ce succès mérité qui a su tomber au bon moment, créant une rare alchimie que Thierry Frémeaux, le délégué général du festival de Cannes, a été l'un des premiers à percevoir. Les parcours de ses auteurs, enfin, du cultissime La Classe Américaine pour l'un à Nous c'est nous pour l'autre montrent que tout est possible, à condition d'y croire. Pour une fois, Georges Abitbol remiserait au placard sa fameuse réplique: "Monde de merde ! "

Antoine Jullien

2 commentaires:

  1. Bravo, bravo pour ce film d'une rare élégance d'une simplicité légère mais essentielle. Ce film est pour moi comme un porte bonheur, un vrai grand sourire à la vie. Le regard charmant de Bérénice est provocant de malice. Je ne vois aucune prétention dans ce film ce qui l'a propulsé au 7éme ciel!.
    J'ai adoré en particulier les scènes:
    - celle ou J.Duj entend le bruit du verre qui tombe
    - celle où il se fait tirer dessus par sa "miniature" sur le bar
    - et celle ou Peppy enfile la manche du manteau de Geaorge.
    Merci de défendre ce film au triomphe bien mérité sans oublier la prestation de Uggy qui prend sa retraire après ce succès. Mais Spielberg ne l'a t il pas sollicité pour son prochain film?.

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  2. Effectivement, on est en droit de défendre ce film. L'auteur du film, et du commentaire, avons été enthousiastes après sa première sortie (chacun l'a vu à part, mais n'avons-nous pas apprécié la même œuvre).
    Le film est beau. Le film est léger, il redonne le moral, nous fait redonner le bonheur de voir un film pour ce qu'il est : un conte, une histoire, une oeuvre d'art subjective qui sait nous parler.
    J'ai cependant une question qui me trotte dans la tête. Après avoir autant triomphé, après avoir atteint les plus hauts sommets (sinon le plus haut, celui que nul autre n'a atteint et n'atteindra), comment peut-on continuer à produire, à jouer, à vivre sans "décevoir". Maintenant, on attend tellement des acteurs et des réalisateurs qu'on serait déçu même de les voir à la hauteur d'un Fellini... j'exagère volontairement, certes, mais c'est pour illustrer mon propos.

    En tout cas, chapeau pour le film, pour les oscars, pour l'art... Enfin des gens qui peuvent avoir la grosse tête sans qu'on leur en veuille !!!
    --
    Steady as she goes!

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