GRACE DE MONACO / MAPS TO THE STARS / THE HOMESMAN / LA CHAMBRE BLEUE / MAÏDAN
GRACE DE MONACO
On pensait avoir touché le fond avec Diana, c'était sans compter l'arrivée d'un autre biopic princier, Grace de Monaco qui a malencontreusement ouvert les festivités cannoises. Le film d'Olivier Dahan, à la gestation contrariée (critiques de la famille Grimaldi, conflit avec le producteur Harvey Weinstein), n'espérait sans doute pas autant d'honneurs. Mais ce sont plutôt les sifflets qui ont accueilli cette abominable bouse. Se laisser aller à quelque conque vulgarité n'est pas dans nos habitudes mais on ne peut qualifier autrement ce biopic consacré à Grace Kelly qui se déroule durant l'année 1962 et nous raconte les déboires de l'actrice devenue princesse, malheureuse en ménage, qui veut revenir à Hollywood tourner Marnie que vient de lui proposer Alfred Hitchcock. Mais face aux menaces du général De Gaulle qui veut faire payer au Rocher de nouveaux impôts, la belle devra rester aux côtés des siens pour sauver l'honneur de la monarchie.
Les dialogues du film sont à eux seuls des perles qu'on enfile à loisir : "On ira s'acheter une ferme à Montpellier" dit Grace à son mari qui songe à abdiquer. Sans parler des approximations historiques grossières qui font venir De Gaulle sur le Rocher (alors qu'il n'y a jamais mis les pieds) pour assister au triomphe de la princesse. Mais tout cela ne serait rien si Olivier Dahan ne l'enrobait pas d'une esthétique chichiteuse de la pire espèce qui ferait passer les mauvais mélos hollywoodiens des années 50 pour des sommets de modernisme. Il est triste de voir un réalisateur relativement jeune faire un film aussi ringard, aux envolées musicales insupportables et avec un esprit de sérieux tout simplement grotesque. Nicole Kidman, qui n'évoque pas un seul instant l'actrice de Fenêtre sur cour, ne peut pas y faire grand chose, arrivant même à se ridiculiser lorsque son personnage est censé apprendre le français en trois semaines ! Quant au final, qui nous fait passer Grace Kelly pour Mère Teresa, on s'étouffe de rire ou de consternation, selon l'humeur. Inutile de dire que ce Grace de Monaco vient de trouver une place de choix dans le panthéon des navets.
MAPS TO THE STARS
Julianne Moore a décroché le prix d'interprétation pour son personnage de star vieillissante prête à tout pour décrocher un rôle dans ce nouveau long métrage de David Cronenberg. Et c'est bien la seule satisfaction que l'on peut éprouver à la vue de ce jeu de massacre dans la faune hollywoodienne. En dépeignant les excès en tous genres de ses protagonistes, Cronenberg semble radoter, répétant des lieux communs éculés sur l'industrie du cinéma, son arrogance et sa vacuité. Ni le jeune ado insupportable, ni le gourou de stars drogué, ni l'actrice obnubilée par sa carrière ne sont des motifs nouveaux, bien mieux croqués par Robert Altman dans The Player, l'une des références du genre. N'assumant jamais ses parti-pris scénaristiques, Cronenberg semble se désintéresser de son sujet, préférant montrer des relations incestueuses qui ne débouchent sur rien malgré la présence toujours aussi mystérieuse de Mia Wasikowska. On est surtout frappé par la mollesse de sa réalisation, filmant platement ce petit monde sans la moindre idée de mise en scène. Après l'affligeant Cosmopolis, Cronenberg confirme son coup de moue.
THE HOMESMAN
Tommy Lee Jones revenait au Festival de Cannes près de dix ans après le succès rencontré par son premier film, l'excellent Trois Enterrements. Avec The Homesman, l'acteur-réalisateur fait un retour au temps de la Conquête de l'Ouest pour nous conter le périple de trois femmes ayant perdu la raison qui doivent être ramenées à leurs familles et dont la mission a été confiée à Mary Bee Cudy, une pionnière originaire du Nebraska, qui va rencontrer sur sa route George Briggs, un rustre vagabond qu'elle sauve d'une mort imminente. Ensemble, ils vont accomplir ce périlleux voyage.
Le film met un certain temps à décoller, se reposant trop sur la facture classique de sa mise en scène. Mais survient un coup de théâtre inattendu qui rabat les cartes. Le personnage de Tommy Lee Jones prend alors de l'épaisseur et le film devient une parabole désenchantée sur le mythe de l'Ouest Américain. Pourtant, le cinéaste ne se départ jamais d'une forme de légèreté et fuit la solennité qui l'aurait sans doute écrasé. Jusqu'au dernier plan, le réalisateur semble s'amuser de ce pied de nez au western, assumant pleinement cette attitude de contrebandier. Et signe une oeuvre relativement modeste qu'on finit par suivre avec un certain plaisir.
LA CHAMBRE BLEUE
Présenté dans la section Un certain Regard, La chambre bleue est le cinquième long métrage de Mathieu Almaric après Tournée qui lui avait valu le prix de la mise en scène. Il adapte le roman éponyme de Georges Simenon dans lequel son personnage vit une relation adultère avant être accusé, avec sa maîtresse, du meurtre de sa femme. C'est par fragments que l'on découvre progressivement les nœuds de l'intrigue, le film entremêlant habilement les instants du couple passés dans cette chambre bleue, le quotidien d'Amalric auprès de sa femme et les interrogatoires du juge. Une mise en place très élaborée qui fonctionne bien dans la première partie où le cinéaste retrouve l'atmosphère de Simenon, son décor de petite ville de Province et ses passions interdites. Amalric saisit la sensualité qui se dégage de ce couple en le filmant dans des plans très composés. On est séduit par cette atmosphère presque irréelle renforcée par l'usage du format carré. Mais dans sa deuxième partie, le récit devient plus mécanique, abandonnant les ruptures temporelles pour se focaliser sur l'intrigue criminelle. Dans son dernier souffle, le film reprend de la vigueur en nous interrogeant sur la nature de ce couple, mettant subtilement en doute la réalité de leur forfait. Un film sec, tranchant, qui révèle un visage que l'on connaissait peu : Stéphanie Cléau.
MAÏDAN
De novembre 2013 à mars 2014, le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa a posé sa caméra sur la place Maïdan, le cœur de la contestation au pouvoir, afin de suivre les manifestants et les nombreux soubresauts qui ont secoué le pays et qui ont conduit au départ du président Ianoukovitch. Constitué de plans fixes, le documentaire ne contient ni commentaires ni témoignages. Malgré de rares panneaux qui permettent de resituer le contexte, on en n'apprendra pas davantage que les nombreuses couvertures médiatiques ayant déjà traiter le sujet. On ne sait d'ailleurs pas vraiment à qui Loznitsa veut s'adresser tant sa caméra reste à distance des évènements. Il réalise certes un témoignage sur le vif d'une révolution en marche mais en ne s'intéressant à aucun ukrainien en particulier en en ne donnant la parole à personne, il finit par dévitaliser son film malgré quelques moments marquants, notamment lorsqu'il montre des policiers tirer sur la population. Une œuvre utile à défaut de marquer les esprits.
Antoine Jullien
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